Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane.
6 Mai 2021
Michel Volkovitch nous présente l'auteur : Pandélis Boukalas.
"Né en 1957, journaliste prolifique, essayiste, traducteur d'Aristophane et d'Eschyle, Pandelis Boukàlas est l'auteur de sept recueils poétiques publiés dont le plus récent, Phrases, a obtenu le Prix d'État en 2010.
Sa poésie, attentive au présent jusque dans ses manifestations les plus infimes, mais non moins attirée par les grands mythes antiques, entrelace les deux grands thèmes éternels : amour et mort, en y ajoutant la dimension de la révolte, ... C'est une poésie volontiers dialogueuse : ...; avec le passé de sa langue dont il reprend certains mots avec gourmandise ; avec les mots en général dont il aime jouer acrobatiquement, y compris dans les moments de douleur — ce qui donne à ses poèmes, accablés de tristesse parfois, des allures de ballet aérien. Avec lui aussi, Sisyphe paraît heureux malgré tout."
Στην ξενιτιά της γλώσσας
Τυχαία ώρα. Τυχαία πλατεία. Τυχαία Ελλάδα.
Πάντως Κυριακή,
τότε που δέεσαι το χρόνο να ειρηνέψει.
Στα παγκάκια, μισοί να κάθονται, μισοί ανεβασμένοι.
Αλβανοί.
Τώρα μιλάνε δυνατά
και ξαναβρίσκουν όσα έκρυψε
φοβισμένος ο καιρός της σιωπής.
Ξενιτεμένοι μες στη γλώσσα τους.
Οι εδραίοι δεν της αποδίδουν σημασία,
καν δεν τη διακρίνουν
Γι αυτό κι ελευθερώνει ερμητικό τον ήχο της.
Στο θάλαμο τηλεφωνούν. Φιλιππινέζοι. Μάλλον.
Διπλά ξενιτεμένοι αυτοί
της γλώσσας και του δέρματος
δεσμεύουν τη φωνή τους
αθόρυβοι διασχίζουν το ακίνητο βλέμμα μας.
Συλλέκτης μάταιος επεισοδίων
παίρνεις να γράφεις σιωπηρά,
δίχως χαρτί ή μολύβι,
λες ξαναλές τις φράσεις μη χαθούν,
έχει ραγίσει ο ρυθμός,
κομπιάζει η μνήμη.
Εκείνο το βαρύ το αγενεολόγητο: «Πατρίδα του ποιητή η γλώσσα του»
σου τρώει το νου τον φαρμακώνει.
Μα ποια πατρίδα.
Λέξεις και λέξεις και πάλι λέξεις.
Ιθαγενής του κενού,
μετράς, διπλή- τριπλή η ξενιτιά της γλώσσας
όταν γράφεται.
Να μένεις έξω μακριά απ’ ό,τι πόθησες
ό,τι σχεδίασες πριν το αναθέσεις στα ρημάτια.
Να μένεις έξω μακριά
απ’ όσους δεν νοούν τη γλώσσα σου
σε άλλον ήλιο γεννημένοι.
Έξω μακριά κι απ’ ους ομόγλωσσους
που διασχίζουν την παλιλλαλία σου αδιάφοροι.
Μια ξενιτιά η πατρίδα σου.
Σαν έρωτα που τον ζητάς
μόνον για να τον χάσεις.
Παντελής Μπουκάλας
Dans l'exil de la langue
Heure au hasard. Place de hasard. Grèce hasardeuse.
En tous cas dimanche,
quand on prie le temps pour qu'il s'apaise.
Sur les bancs, les uns assis, d'autres perchés.
Des Albanais.
Ils parlent fort à présent
retrouvant ce que dissimulait
apeuré le temps du silence.
Exilés dans leur propre langue.
Les gens du coin ne lui prêtent guère attention,
ne la distinguent même pas, si bien
qu'elle libère ses sons en force.
Dans la cabine on téléphone. Des Philippins. Sans doute.
Doublement exilés ceux-là
par la langue et la peau
ils contiennent leur voix
et traversent sans bruit nos regards immobiles.
Vain collectionneur d'événements,
tu te mets à écrire en silence,
sans papier ni crayon,
tu dis redis les phrases à ne pas perdre,
le rythme est fissuré
la mémoire bute.
Cette sentence lourde et sans origine :
«La patrie du poète, c'est sa langue»
te ronge et t'empoisonne l'esprit.
Mais quelle patrie ?
Des mots des mots toujours des mots.
Indigène du vide,
tu comptes, l'exil de la langue est double et triple
quand on l'écrit.
Rester dehors loin de ce que tu as désiré,
projeté avant de le livrer aux mots.
Dehors loin de ceux qui ne comprennent pas ta langue
nés sous d'autres soleils.
Dehors loin de tes compagnons de langue
qui traversent ton rabâchage indifférents.
Ma patrie est un exil.
Comme un amour qu'on cherche
uniquement pour le perdre.
Traduction : Michel Volkovitch
Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane