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Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane.

Distiques sur Staline - 0. Mandelstam

Portrait d'O. Mandelstam - L.A. Bruni

Portrait d'O. Mandelstam - L.A. Bruni

Ce poème n'est écrit que devant le juge d’instruction de la Loubianka, où « le poète coucha ces seize lignes sur une feuille à carreaux arrachée d’un cahier d’écolier. » Il a défendu « sa dignité d’homme, d’artiste et de contemporain, jusqu'au bout. » À la question de la femme de Victor Chklovski, Vassilissa : « Que faites-vous ? Pourquoi ? Vous serrez vous-même la corde autour de votre cou. » il répond qu'il ne peut pas faire autrement. Un jour, il croise Boris Pasternak et lui récite son poème. Effrayé, Pasternak répond : « Je n’ai rien entendu et vous n’avez rien récité. Vous savez, il se passe en ce moment des choses étranges, terribles, les gens disparaissent ; je crains que les murs aient des oreilles, il se pourrait que les pavés aussi puissent entendre et parler. Restons-en là : je n’ai rien entendu. » Quand Pasternak l’interrogea sur ce qui l’avait poussé à écrire ce poème, Mandelstam répondit qu’il ne détestait rien autant que le fascisme, sous toutes ses formes. C’est à la même époque qu’il gifle l’écrivain soviétique officiel Alexis Nikolaïevitch Tolstoï, en raison d’un différend, dans les locaux de la Maison d’édition des écrivains : « J’ai puni l’homme qui avait donné l’ordre de battre ma femme. »

Mandelstam est arrêté pour la première fois en 1934 pour cette épigramme. Il est exilé à Tcherdyne. Après une tentative de suicide en sautant d'une fenêtre de l'hôpital, la sentence est commuée en exil à Voronej, jusqu’en 1937. Dans son Carnet de Voronej (1935-1937), Ossip Mandelstam écrit :

    « Il pense en os et ressent avec ses sourcils
    Et tente de reprendre forme humaine. »

Après trois ans d'exil, O. Mandelstam est arrêté pour activités contre-révolutionnaires en mai 1938, lors de la période des Grandes Purges, et condamné à cinq ans de travaux forcés. Après avoir subi les pires humiliations, il meurt de faim et de froid, du côté de Vladivostok, pendant le voyage qui le conduit dans un camp de transit aux portes de la Kolyma. Son corps est jeté dans une fosse commune.

Source : wiki

Мы живём, под собою не чуя страны,
Наши речи за десять шагов не слышны,
А где хватит на полразговорца, —
Там припомнят кремлёвского горца.

Его толстые пальцы, как черви, жирны,
А слова, как пудовые гири, верны,
Тараканьи смеются усища,
И сияют его голенища.

А вокруг него сброд тонкошеих вождей,
Он играет услугами полулюдей.
Кто свистит, кто мяучит, кто хнычет,
Он один лишь бабачит и тычет.

Как подковы, кует за указом указ —
Кому в пах, кому в лоб, кому в бровь, кому в глаз.
Что ни казнь у него – то малина
И широкая грудь осетина.

 

Distiques sur Staline

 

Nous vivons sans sentir sous nos pieds de pays,

Et l’on ne parle plus que dans un chuchotis,

Si jamais l’on rencontre l’ombre d’un bavard

On parle du Kremlin et du fier montagnard,

Il a les doigts épais et gras comme des vers

Et des mots d’un quintal précis: ce sont des fers!

Quand sa moustache rit, on dirait des cafards,

Ses grosses bottes sont pareilles à des phares.

Les chefs grouillent autour de lui, la nuque frêle.

Lui, parmi ces nabots, se joue de tant de zèle.

L’un siffle, un autre miaule, un autre encore geint...

Lui seul pointe l’index, lui seul tape du poing.

Il forge des chaînes, décret après décret!

Dans les yeux, dans le front, le ventre et le portrait.

De tout supplice sa lippe se régale.

Le Géorgien a le torse martial.

 

Traduit par Jean-Claude Schneider

Et pour poursuivre : lire la page que lui consacre le blog "Esprits Nomades" ici, ou bien écouter l'émission "Une vie une oeuvre" de France Culture.

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