Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Souvenirs illustrés de petits moments, musiques, lectures, expositions, balades....qui font le sel de la vie !

Pladoyer pour l'Arménie

Pladoyer pour l'Arménie

Laissons la parole à Sylvain Tesson  : 

"Sylvain Tesson Ce qui me lie à l’Arménie, ce sont les liens intangibles de la mémoire, de l’esprit, du cœur et de l’âme. Ce qui me lie à l’Azerbaïdjan, c’est un gazoduc. Pour un Français, voyager en Arménie est un peu une négation du voyage : il y a une telle proximité, une telle familiarité, un tel cousinage qu’on se trouve privé de dépaysement ! En 1994, je faisais le tour du monde à bicyclette avec mon camarade Alexandre Poussin. Nous avions 20 ans. Nous revenions de Singapour et nous dirigions vers l’Europe. Après les déserts du Pakistan et de l’Iran, nous avons passé le fleuve Araxe et sommes arrivés en Arménie. Nous ne connaissions pas le pays mais nous avions l’impression d’être rentrés à la maison ! C’étaient des « retrouvailles » avec une terre inconnue mais reconnaissable : une expérience spirituelle en même temps que sensorielle. Les paysages sont orientaux, presque bibliques. Quand le soleil se couche sur les flancs du mont Ararat, on se croirait en Galilée. Pourtant, on a l’impression d’arriver sur le parvis de l’Europe. L’Arménie est un verrou chrétien au milieu de l’ancien Empire ottoman. Aujourd’hui, réduite à peau de chagrin, verrouillée dans l’étau turco-azéri, elle est une anomalie démocratique étranglée par les satrapies. Le destin de l’Arménie ne concerne pas l’Arménie seule. Si on la considère comme une extension, une ombre projetée de l’Europe au seuil de la steppe, un éclat de nous-mêmes fiché dans l’Orient, alors c’est nous-mêmes qui sommes frappés par ses tourments. Si on use d’une image d’architecture militaire, l’Arménie est une échauguette, un avant-poste de l’Europe… Lisons Ivanhoé de Walter Scott : la chute du poste avancé préfigure toujours celle du donjon central.

« Les Azéris ont attaqué l’Arménie, violé son intégrité, passé les bornes. Dès lors, la question n’est pas quand attaqueront-ils ? mais bien où s’arrêteront-ils ?. »

C’est-à-dire ?

Sylvain Tesson L’Arménie est un témoin d’alerte. Au XIXe siècle, dans les mines de charbon, les mineurs emportaient un canari pour les prévenir des coups de grisou : lorsqu’il arrêtait de chanter, c’est qu’il était asphyxié et que l’explosion était proche. L’Arménie est le canari de l’Europe. Qu’elle tombe et il en cuira à la vieille Europe dépositaire de la culture judéo-chrétienne qui a donné au monde la démocratie, la liberté, ses arts et sa science. Le principe qui anime aujourd’hui les Turcs est celui de l’expansion. La Turquie se sent à l’étroit, ses coutures craquent. Recep Tayyip Erdoğan rêve de s’étendre à l’est et à l’ouest de ses frontières. Il rêve à la profondeur turcique. Il mélancolise en pensant à son ancienne emprise balkano-magyare. C’est une géopolitique du débordement fantasmé. Or l’histoire n’est pas vieille : la Grèce ne s’est débarrassée du joug turc que dans les années 1830. Le sort qui s’acharne sur l’Arménie révèle cet expansionnisme enfoui anatalo-caspien. Au moment de la guerre de quarante-quatre jours, les experts pensaient que la poussée turco-azérie n’atteindrait pas les frontières souveraines de l’Arménie et s’en tiendrait au territoire revendiqué. Les événements du 13 septembre dernier leur ont donné tort. Les Azéris ont attaqué l’Arménie, violé son intégrité, passé les bornes. Dès lors, puisqu’ils ne se contenteront pas du « jardin noir », de l’îlot maudit, la question n’est pas « quand attaqueront-ils ? » mais bien « où s’arrêteront-ils ? ».

La suite est à lire ici

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
À propos
une-vie-de-setter

Souvenirs illustrés de petits moments, balades, lectures, expositions.....
Voir le profil de une-vie-de-setter sur le portail Overblog

Commenter cet article