Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane.
25 Février 2015
Toujours dans le cadre de l'étude du drapé dans l'histoire de l'art, arrêtons nous sur ce tableau intitulé l'Art de la peinture de Vermeer.
Vermeer est l’un des plus grands peintres hollandais du XVIIème siècle. Il excelle dans la reproduction de scènes d’intérieurs. La poésie de sa vision et la splendeur brillante de la lumière qu’il produit évoquent l’œuvre de son compatriote Jan Van Eyck. On sait très peu de choses sur la vie de Vermeer. Ses peintures calmes et sereines dérivent de sa propre méditation et de sa propre analyse du monde qui l’entourait. Il mourut endetté à l’âge de 43 ans laissant une veuve et onze enfants. Ses peintures tombèrent presque toutes dans l’oubli jusqu’au milieu du XIXème siècle
Cette peinture de genre représente un peintre en train de peindre le tableau. C’est un tableau dans un tableau. Il ne s’agit pas d’une reconstitution d’un atelier de peinture du XVIIème siècle hollandais. Vermeer ne voulait pas célébrer la Peinture mais se référer de manière allégorique à un événement historique.
La jeune fille tient maladroitement une trompette et un livre. Une couronne de lauriers bleus, dont le jaune s’est résorbé, est posée sur sa tête. La trompette symbolise la Renommée et les lauriers la Gloire, qui sont les attributs de Clio, la muse de l’Histoire. Le livre pourrait être d’Hérodote, suivant les recommandations d’iconologie en cours à l’époque. Elle regarde une table sur laquelle est arrangée une nature morte, avec un masque de plâtre sans yeux et un livre ouvert, qui ressemble à une partition de musique (muse Euterpe). Le masque évoque la comédie antique (muse Thalie) ou le moulage d’une statue. Le lustre est hollandais, curieusement sans bougies. Le lourd rideau de tapisserie au premier plan n’est pas hollandais, il date du début du XVIe siècle espagnol. La carte au mur représente au centre les provinces des Pays-Bas durant leur soumission à l’Espagne, qui dura jusqu’en 1581, date de la déclaration d’indépendance, et sur les côtés, des vues des principales villes hollandaises.
Le tableau est-il alors une allégorie des Arts, où la peinture tiendrait la première place dans la personne du peintre ? L’expression d’une nostalgie de la domination espagnole, protectrice des arts et en particulier de la peinture ? Il y a trop d’éléments disparates dans cette allégorie pour pouvoir l’interpréter avec clarté. Mais le tableau est avec certitude un des chefs-d'oeuvre de Vermeer. Il nous reste à en examiner la beauté plastique, en le replaçant dans le contexte de l’art vermeerien.
Cette représentation est classique. La touche de peinture est posée sur un fond légèrement grisé et lisse. Les traces de pinceau sont peu visibles.
La lumière, élément déterminant du style de Vermeer, éclaire comme un projecteur chaque objet, précisant ainsi les formes et les détails de chacun. Vermeer ne la représente pratiquement jamais, mais en suggère toujours la présence par la direction d’un éclairage qui crée l’ambiance.
La tenture, au premier plan nous donne l’impression d’un lever de rideau sur une pièce de théâtre. Le rideau opaque, masque sans cacher, les choses qu’il laisse percevoir. Parce que le rideau se situe au premier plan, il conduit le regard au second. Cette impression est renforcée par l’éclairage.
Pour une approche plus complète de ce tableau, laissons la parole à J.E. Berger dans une de ses conférences dédiée à Vermeer.
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