Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane.
25 Mars 2015
C'était le thème retenu pour le dernier atelier du printemps. Ce thème a traversé les différentes périodes de l'histoire de l'art : peinture mythologique, religieuse, allégorique, de portrait, pour être reprise par les plasticiens dès le 20e siècle.
Commençons donc par la peinture mythologique avec le Parnasse de Raphaël, une des fresques de la chambre de la signature au Vatican, lieu où se trouvent Apollon et les Muses, autrement dit la demeure -selon le mythe classique- de la poésie.
La scène nous montre Apollon en train de jouer du violon (anachronisme voulu selon certains, pour symboliser la valeur perpétuelle du message poétique), assis sous un bouquet de lauriers et entouré par les neuf Muses (personnifications des différents arts libéraux). Dans un mouvement harmonieux ascendant et descendant, de gauche à droite sont représentés les poètes de l'antiquité, dont quelques uns possèdent, selon l'habitude de Raphaël, les traits de personnages vivants.
Continuons avec Apollon écorchant Marsyas de Jusepe de Ribera. Pour ceux qui ont oublié leurs classiques, on peut se rafraîchir la mémoire avec les fiches de l'excellent site le grenier de Clio.
Le concours entre Apollon et Marsyas, symbole de la lutte entre les influences apolliniennes et dionysiennes de l'homme, est un sujet favori des artistes antiques.
Ensuite c'est la peinture dite "religieuse" qui nous fait découvrir quelques instruments de musique, l'opportunité de regarder dans les plus petits détails l'Adoration de l'Agneau mystique peinte par Hubert et Jan van Eyck en 1432. Ce polyptyque unique, conservé à la cathédrale Saint-Bavon de Gand, a fait l'objet en 2010 d'un traitement de conservation d'urgence auquel l'IRPA a largement participé. Dans le cadre de ce projet, le retable a quitté sa cage de verre et a été temporairement démonté, une entreprise exceptionnelle qui a rendu possible une campagne d'étude et de documentation approfondie dont la Getty Foundation (Los Angeles) a assuré le financement.
Chaque centimètre de la composition a été étudié à la loupe et photographié en très haute résolution, aussi bien sous lumière visible que sous infrarouge. Toutes ces photos ont ensuite été assemblées digitalement pour obtenir une image extrêmement détaillée qui permet d'étudier le retable à un niveau microscopique jamais atteint auparavant. Le site contient 100 milliards de pixels.
Quant au détail des explications, le site dare-d'Art nous en fait une présentation complète.
Puis, c'est le monde à la fois terrifiant et enchanteur de Jérôme Bosch (Bois-le-Duc vers 1450-1516) qui nous révèle certaines angoisses et superstitions de son époque. Une multitude d’obsessions et de symboles infernaux, mystiques, alchimiques y prolifèrent. Ce monde est dominé par l’Enfer, aux portes grandes ouvertes, par Satan qui en est le maître avec ses légions, sa flore et sa faune maudites, par la terreur de la mort et de la fin du monde (le thème du Jugement dernier revient sans cesse). Ses tableaux, grouillants de vie ou menaçants, dépeignent un univers bouleversé, incohérent, possédé par le Malin, par la sensation brûlante du péché.
En observant de près une œuvre du peintre néerlandais, une étudiante américaine a découvert une partition de musique qu'elle a retranscrite et enregistrée.
Comme tous les grands mystiques, Bosch est panthéiste. Chaque élément appelle son contraire pour entraîner la dynamique lui permettant de surmonter sa condition et de la transcender en valeur spirituelle. Aussi horrible que soit l’enfer, il est nécessaire à l’épanouissement de l’être. L’être perdu dans sa vérité unique est dérisoire, petit et perclus de péchés qui sont autant de freins à son développement. L’enfer est musical en ce qu’il réunit les êtres, leur permet de dépasser leurs erreurs. Passer par l’enfer est nécessaire pour atteindre l’élévation spirituelle. Les nombreuses chouettes que l’on voit dans ses tableaux rappellent qu’il faut atteindre le sens caché pour réaliser sa plénitude. En niant la nature, on s’en rend esclave.
C'est aussi la peinture dite "allégorique" qui dépeint les instruments de musique avec "l'allégorie de l'Ouie", de Jan Breughel, vers 1616, Prado.
Le blog l'Oreille Absolue nous en livre les secrets.
Enfin la peinture dite de portrait nous présente les instruments de musique de l'époque. Un exemple : Les ambassadeurs de Hans Holbein.
Une petite vidéo nous apporte quelques clés de lecture.
Illustration de la période du Cubisme analytique - 1910-1912 Cette deuxième phase s'illustre par l'analyse de la forme de l'objet et par sa décomposition graphique. Fragmentés et divisés en de multiples facettes, les volumes deviennent des plans et la notion de perspective disparaît totalement. La forme de l'objet est analysée et reproduite par des formes géométriques en deux dimensions. Les teintes sont monochromes (gris, bleu, vert, brun...), le cylindre, la sphère et le cône représentent le monde naturel. Puisque la perspective disparaît, l'espace et l'objet tendent à fusionner.
Le Violon d'Ingres représente Kiki de Montparnasse nue de dos. Elle est assise sur ce qui semble être la bordure d'un lit, recouvert d'un tissu à carreaux. On ne distingue pas ses jambes et ses bras sont totalement repliés vers l'avant : seule la courbure des épaules se dessine. Ses hanches sont drapées d'un second tissu qui forme comme une couronne et souligne le bas du dos et la naissance des fesses. Son visage est tourné de trois quarts vers la gauche, laissant entrapercevoir son profil et une boucle d'oreille à pendentif long. Elle est coiffée d'un turban à fines rayures. Suite au tirage, la photographie a été rehaussée à la mine de plomb et à l'encre de Chine par l'artiste qui a ajouté dans le dos de son modèle les ouïes d'un violon. La lumière vient de la droite et éclaire le dos de façon presque uniforme. Le corps se détache par sa blancheur du fond de la photographie qui est très sombre. Les courbes du corps sont mises en exergue, courbes devenues celles d'un violon par l'ajout des ouïes.
Le titre de l’œuvre reprend une expression de la langue française (violon d'Ingres) faisant de la passion qu'Ingres entretenait pour le violon, lorsqu'il abandonnait ses pinceaux, l'archétype du hobby. Ici, le titre suggère que les femmes, et en particulier le modèle de sa photographie, étaient pour Man Ray, lorsqu'il délaissait son art, son propre passe-temps de substitution.
Le titre de l’œuvre est aussi un indice sur le peintre qui a inspiré Man Ray dans la réalisation de cette photographie : le photographe américain admirait le travail du peintre français Jean-Auguste-Dominique Ingres et le Violon d'Ingres s'inspire d'un personnage du Bain turc. Ce tableau, terminé en 1859, a été réalisé sans modèles mais grâce aux nombreux croquis, dessins et tableaux précédents du peintre. Le Bain Turc copie notamment la Baigneuse Valpinçon, un autre tableau du même peintre, daté de 1808. Comme dans la photographie de Man Ray, les deux femmes peintes par Ingres sont représentées nues, de dos et portant un turban.
Et pour conclure et refermer ce chapitre de l'histoire de l'art, l'on peut évoquer l'installation d'Annish Kapoor, intitulée Marsyas à la Tate Modern de Londres.
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