Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane.
17 Juillet 2015
Il y a déjà de nombreuses années, nous avions profité d'un stage de P. au Luxembourg pour visiter Trèves. Malheureusement à l'époque de nombreux édifices étaient fermés et nous étions restés sur notre faim.
Les guides du bureau d'information arpentent les rues du centre ville en tenue romaine, pour les étourdis qui n'auraient pas remarqué la forte empreinte romaine encore visible dans de nombreux vestiges. Fin d'année scolaire oblige, la ville était envahie de groupes scolaires de petits français dont les accompagnateurs avaient bien du mal à canaliser l'énergie adolescente.
Colonie romaine dès le Ier siècle de notre ère, puis grande métropole marchande à partir du siècle suivant, Trèves fut qualifiée de « seconde Rome ». Elle apporte un témoignage exceptionnel sur la civilisation romaine par la densité et la qualité des monuments conservés.
Aucun endroit au nord des Alpes ne comporte autant d'édifices romains et une telle densité de traces de colonie romaine conservés que Trèves, la « Rome du Nord ». Dans l'Antiquité tardive, Trèves était l’une des plus grandes villes de l'Empire romain ; siège du Préfet des Gaules, de Germanie, de Britannia et d’Hispania et, après la réforme impériale de l'empereur Dioclétien, elle devint le siège du vice-empereur (César) de l'Empire d'Occident.
Parmi les bâtiments conservés de l’Antiquité, au moins deux sont uniques.
La Porta Nigra, avec son état de préservation et sa composition architecturale (combinaison de porte fortifiée et d’architecture palatiale) est une réalisation singulière qui ne ressemble à aucune autre porte de ville romaine existante. Sa transformation en église double très inhabituelle au Moyen Age en fait aussi un symbole de l'histoire de l’Occident.
La monumentale structure de brique de la Basilique, avec sa forme lapidaire et ses vastes dimensions intérieures (la plus vaste de l’Antiquité) était l'incarnation du siège et du pouvoir de l'Empire romain (sedes imperii).
L’aula, construite entre le IIIe et IVe siècle, servait de salle du trône à l’empereur Constantin. Elle était habillée intérieurement de parements de marbre, avec des niches abritant des effigies de marbre. Le plancher et les murs étaient chauffés. La taille et le luxe de leurs édifices servaient aux Romains à démontrer leur puissance.
Mais ce bâtiment fut détruit au Ve siècle par les Francs, qui construisirent un lotissement dans la ruine dépourvue de toit. Plus tard les murs furent reconvertis en château fort. Puis par la suite, le complexe servit de résidence princière à l'archevêque de Trèves. L'abside fut reconvertie en maison-tour, flanquée de tourelles à la jonction avec la façade, et les murs découpés de créneaux. Cet aspect prévalut jusqu'aux alentours de l'année 1600.
A l'initiative du roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV, la basilique fut rendue à son architecture romaine d'origine, selon une reconstitution du colonel Carl Schnitzler (1846-1856).
La basilique est fréquentée depuis 1856 par les fidèles protestants, bien qu'elle demeure la propriété du Land de Rhénanie-Palatinat.
L'édifice brûla entièrement en 1944. La reconstruction après la guerre s'est faite volontairement avec beaucoup de prudence. Lors de la reconstruction, seules les briques de parement apparentes ont été utilisées pour les murs intérieurs, reconstitués avec un souci historique au XIXe siècle.
En 1615, l'électeur Lothar von Metternich a commencé à construire un palais de style rococo à Trèves, l'archevêque Johann Philipp von Walderdorff a complété la structure en 1756. Aujourd'hui, le palais - considéré comme l'un des bâtiments rococo les plus impressionnants dans le monde - abrite les bureaux administratifs de la Ville de Trèves
L’un des plus anciens édifices religieux du monde occidental, la Cathédrale témoigne de la foi chrétienne depuis que Constantin a fait du Christianisme une religion tolérée et soutenue dans son Empire. Sa conception architecturale mêle des éléments de chacune des périodes classiques, médiévales et modernes, mais reste marquée par la conception monumentale de son origine.
La cathédrale actuelle a été construite sur un ancien palais de l'époque de l'empereur Constantin. Après le dernier séjour de Constantin à Trèves en 328/329, le palais fut détruit et recouvert en 330 par la plus grande église chrétienne de l'antiquité. Celle-ci était quatre fois plus grande que la cathédrale actuelle et recouvrait la surface de la cathédrale, de l'église Notre-Dame, du parvis entier et des maisons avoisinantes y compris leurs jardins, atteignant ainsi pratiquement la place du Marché.
La cathédrale actuelle contient encore un noyau romain avec des murs originaux atteignant 25,88m. L'énorme fragment d'un pilier de granit à l'entrée de la cathédrale témoigne également de l'origine romaine de l'église. Après des destructions au Ve et au IXe siècle, le noyau resté intact fut de nouveau agrandi par des extensions romanes - avec ses trois cryptes, son cloître, le trésor et la salle des reliques, la cathédrale présente aujourd'hui architecture et art témoignant d'un laps de temps de plus de 1650 ans.
La partie sud de la double église romaine fut démolie vers 1200 et totalement remplacée par l'église Notre-Dame de style ogival primaire. En surface, il n' y a plus rien de romain mais sous terre s'étalent de vastes vestiges archéologiques romains (non accessibles au public) et plusieurs colonnes en faisceau reposent sur des fondations romaines. L'église du Moyen-Âge ne suit toutefois plus le plan d'ensemble de la longue basilique à trois nefs mais ressemble plutôt à une rotonde avec une voûte en croix et quatre portails correspondants, complétés dans les écoinçons par huit niches à autels arrondis si bien que le plan d'ensemble ressemble à une rose à douze feuilles, symbole de Marie, la rose mystique mais aussi référence aux douze tribus d'Israël et aux douze apôtres. Les apôtres, de même que les douze articles du credo apostolique sont reportés sur les piliers porteurs de façon à n'être complètement visibles que d'un seul point, celui marqué d'une pierre noire au sol. L'optique fascinante va de pair avec l'acoustique impressionnante.
Après l'assaut des Normands en 882, l'archevêque fit déplacer le marché de sa place initiale le long du fleuve à sa place actuelle; la croix du marché de 958 remémore cette étape. L'original de la croix se trouve dans le musée municipal Simeonstift. À l'origine, le tronc de la colonne était un pilier de granit romain de la cathédrale.
La fontaine du Marché, qui date de 1595, est couronnée par St Pierre, le Saint Patron de la cathédrale et de la ville. Il est entouré des quatre vertus cardinales du bon régiment de la ville: Justice, Force, Tempérance et Prudence (les originaux se trouvent dans le musée municipal Simeonstift), mais aussi par des petits monstres et des singes farceurs.
Depuis la Porta Nigra et en remontant la zone piétonne, on passe dans la rue Simeonstraße devant une maison d'habitation des débuts du gothique, la Maison des Rois Mages ou "Dreikönigenhaus". L'édifice fut érigé en 1230 comme tour d'habitation. Il doit son nom à une peinture de l'épiphanie placée autrefois dans la maison.
Comme les propriétaires des maisons à l'époque devaient eux-même se défendre, ils firent installer les portes d'entrée quelques mètres au-dessus de la chaussée ; la décoration très colorée de la façade est un ravivement fidèle de la peinture originale.
Pour terminer, j'ai aimé aussi cette interprétation moderne d'une architecture plus ancienne racontant la procession du vendredi saint.
Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane