Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane.

Changeons de point de vue

C'est un phénomène que vous connaissez bien, le paysage diffère selon le point d'où on le regarde.

Alors aujourd'hui, j'ai varié l'itinéraire pour monter au bourg. C'est une rue que je ne prends jamais, car située en contrebas de la voie de chemin de fer, elle offre peu d'intérêt et ce matin est très ombragée et frisquette. Mais la récompense est au bout, car ,une fois arrivée sur le plateau, le panorama s'ouvre sur l'enclos et le donjon du château ; en bonus ce matin un bel éclairage oriental et les rayons du soleil qui me réchauffent le dos.

Changeons de point de vue
Changeons de point de vue
Changeons de point de vue
Changeons de point de vue
Changeons de point de vue

Je me suis avancée jusqu'à l'ossuaire, si bien éclairé ce matin....Si vous êtes déjà venus au bourg, vous avez sûrement cherché l'Ankou, à l'angle sud-est de l'ossuaire.  

La présence de l'Ankou est ici remarquable. Si l'on retrouve des figurations de squelettes dans toute la statuaire chrétienne européenne avant le baroque et durant son apogée, il y a bien une spécificité bretonne incarnée par ce personnage de l'Ankou qui figure dans le répertoire de beaucoup d'enclos. L'Ankou renvoie à quelque monstre préhistorique dont la portée morale et imaginaire est stupéfiante. Spécifiquement bas-breton, l'Ankou est un squelette, et la férocité et la force physique qu'il dégage disent qu'il est un homme. Il est le plus souvent muni de faux, de pelles, de flèches, et le geste du bras le montre menaçant et vaillant à la tâche. Prêt à pourfendre, à creuser, à fracasser, son aspect rudimentaire le fait rejoindre la grande galerie des monstres celtiques, les fameux dieux de la mort. Pour ceux qui savent lire, il est gravé sur des cartouches extérieurs des sentences effroyables comme celle de la Roche Maurice : Je vous tue tous" ; pour les illettrés, il faut que l'Ankou à lui seul impressionne et convertisse à sa manière. Les influences celtiques ne manquent pas d'interpeller les autorités religieuses, qui préfèrent toutefois cette "acculturation" plutôt que de voir leurs paroissiens quitter le champ sacré des enclos.

C'est ainsi que la nouvelle catéchèse issue de la menace réformiste a trouvé là un puissant moyen de réguler les écarts épicuriens de certains paroissiens, en leur rappelant à tout moment l'issue fatale de la condition humaine. Les consignes strictes émanant du concile de Trente ont favorisé cette pastorale de la mort, relayées par le zèle du clergé qui, bien avant le XVIe siècle, ne cessait de réclamer auprès des paroissiens la clôture des cimetières, champs des morts qui, au fil des siècles, étaient devenus des espaces de débauche et dont le manque d'entretien entraînait des profanations.

Les enclos représentent donc le lieu d'une frontière ; sitôt qu'ils l'ont franchie, les fidèles se retrouvent dans la grande théâtralisation de la vie et de la mort, dans cette dramaturgie familière à la piété populaire.

Source : Les enclos bretons, chef d'oeuvre de l'art populaire - Flammarion par Alain Vircondelet

La notice histoire et patrimoine du site de la commune nous rappelle un rite encore observé au 19e siècle par  Pol Potier de Courcy  décrivant les rites du jubilé des Morts le jour de la Fête des morts en 1865 :

« À La Roche-Maurice, le jour du jubilé des Morts, une immense affluence se presse dans l'église, puis se rue aux abords du reliquaire, bientôt dévasté : alors commence une scène d'une étrange et lugubre poésie. Chaque fidèle s'empare d'un fragment de squelette ; hommes et femmes, vieillards et jeunes filles, joignent sur les ossements leurs mains crispées et suivent à pas lents le recteur, qui tient lui-même dans ses mains la tête d'un mort. Ainsi la procession fait le tour du cimetière, au son du glas et des chants funèbres entrecoupés par les gémissements de la multitude. »

Source Pol Potier de Courcy, "La Bretagne contemporaine", 1865.

Rassurez-vous, je n'ai rien observé de ce genre ce matin aux alentours de l'enclos. 😜

L'ankou, sous la lumière....
L'ankou, sous la lumière....
L'ankou, sous la lumière....
L'ankou, sous la lumière....
L'ankou, sous la lumière....
L'ankou, sous la lumière....

L'ankou, sous la lumière....

Pourquoi ce gros plan sur ce bâtiment, qui bien que fort utile, ne présente pas de spécificité architecturale particulière ? Simplement pour vous conter l'anecdote, que peut-être certains d'entre vous, ignorent. Dans la décennie 1930, une grande foire se tenait à La Roche-Maurice chaque mois. Les foires ont perduré jusque vers 1955 et la "prison" qui jouxte l'église témoigne encore de ces foires si animées qu'il fallait parfois "mettre à l'ombre" quelques fraudeurs ou quelques quidams trop enivrés. Depuis, cette prison, a été réhabilitée, afin d'abriter les toilettes publiques.

Changeons de point de vue
Changeons de point de vue

Une dernière photo, celle d'un petit sapin aux tendres bourgeons vert pâle aperçu en traversant un petit bois : Serait-ce la promesse de jours meilleurs à venir....

Changeons de point de vue

Prenez bien soin de vous et des autres.

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
À propos
une-vie-de-setter

Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane

Commenter cet article
A
Tu vas bientôt pouvoir te reconvertir comme guide touristique incollable sur La Roche Maurice !
Répondre
U
C'est en effet une profession que j'aurais bien aimé embrasser : cela aurait répondu parfaitement à mes marottes : apprendre, lire, chercher, et partager et pourquoi pas en utilisant un peu mes connaissances linguistiques. J'avais beaucoup aimé jouer ce rôle il y a quelques années en faisant découvrir notre belle région aux épouses d'une délégation de clients. Beaucoup de stress à préparer, mais le jour j. cela s'était bien passé....