Neuvième poésie verticale - Roberto Juarroz

Retour vers la poésie de Roberto Juarroz extrait de "Neuvième poésie verticale -10 poèmes"
traduit de l’espagnol par Roger Munier.

Ce matin en regardant le rituel matinal de Petit Loup, le poème 6 m'est revenu en mémoire, comme une injonction, ou comme un rêve...

Sacudir el cuerpo como lo haría un animal,
pero quitándose de encima mucho más que el animal
el polvo que deja el pensamiento,
las rigideces que enrolan a la muerte,
las manchas del amor y de las lluvias sucias
que caen de las comisas
y también de un cielo turbio, envenenado.

Y quitarse de encima los andrajos del tiempo,
las contraseñas de los cuartos grises,
los moretones de la dicha,
los restos pegajosos del banquete,
las macabras serpentinas del dolor.
Y en un día de calculados estremecimientos
quitarse uno de encima hasta su sombra,
hasta eso que llamamos uno mismo,
hasta esos roces que llamamos los otros.
Y otro día sacudirse de encima
la eternidad desfigurada de la vida,
como si fuera otra capa de polvo.

Secouer le corps comme un animal,
Mais en se débarrassant de beaucoup
plus que l’animal :
de la poussière que laisse la pensée,
des raideurs qui enrôlent la mort,
des taches de l’amour et des pluies sales
qui tombent des corniches
ou d’un ciel trouble, empoisonné.

Se débarrasser des guenilles du temps,
de la complicité des lieux tristes,
des ecchymoses du bonheur,
des restes douteux du banquet,
des serpentins macabres de la douleur.
Et un jour de secousses calculées
se débarrasser même de son ombre,
de cela qu’on appelle soi-même,
et de ces frôlements qu’on appelle les autres.
Un jour enfin se débarrasser
de l’éternité défigurée de la vie
comme d’une autre couche de poussière.