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Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane.

Notes de juin

Notes de juin

Encore quelques notes inspirées par Mariss Jansons : Les quatre derniers lieder de R. Strauss.

Les Vier letzte Lieder de Richard Strauss sont un testament. Achevés un an avant sa mort, ils furent écrits sur mesure pour sa femme, Pauline de Ahna. En effet, la soprano allemande fut une source d’inspiration intarissable pour le compositeur durant près de cinquante-cinq ans. Elle mourut de chagrin à sa suite, à peine quelques mois plus tard. Frühling, donne à entendre le printemps et la jeunesse ; une nature romantique qui célèbre la vie et l’amour. Le temps passe inexorablement et September apparaît parsemé de fleurs fatiguées de leur propre parfum. Le vent dans les arbres fait scintiller le camaïeu mordoré des feuilles, tandis que les ombres s’étirent, dans la torpeur moite de l’été finissant. À la nuit tombée, Beim Schlafengehen nous berce instantanément avec une phrase descendante qui monte progressivement dans la tessiture du piano. L’obscurité nous enveloppe d’exhalaisons chyprées et nous invite au rêve et à la liberté. Im Abendrot, occupe une place particulière dans ce cycle. Certes, il l’achève alors que c’est par lui que Strauss initie sa composition, mais il s’agit également du seul poème écrit par le baron Joseph Von Eichendorff , les autres étant d’Hermann Hesse. C’est en 1946, alors qu’il est réfugié avec Pauline dans la petite ville suisse de Montreux, que le compositeur en écrit les premières notes cuivrées. Lorsque vous vous promenez sur la berge de Montreux à la tombée du jour, vous faites face au lac Léman qui s’étale devant vous en direction du couchant. Il faut alors imaginer le couple Strauss, leurs visages fatigués, les yeux rivés vers l’ouest. Ils assistent à ce plongeon solaire qui vient embraser la quiétude de cette petite mer : un adieu serein à une vie flamboyante et au romantisme. Et, telle Ariane à Bacchus, Strauss de murmurer au crépuscule : « Je connais le pays où tu veux me mener ! Qui y séjourne a tôt fait d’oublier ! Le souffle et les mots s’envolent si vite ! On s’y repose […] Car personne ne s’y fatigue à pleurer. »

Sources : Festival d'Aix en Provence - Luc Birraux

Richard Strauss (1864-1949)
Vier letzte Lieder (1948)

- Frühling
Texte : Hermann Hesse

In dämmrigen Grüften
Träumte ich lang
Von deinen Bäumen und blauen Lüften,
Von deinem Duft und Vogelsang.
Nun liegst du erschlossen
In Gleiß und Zier,
Von Licht übergossen
Wie ein Wunder vor mir.
Du kennst mich wieder,
Du lockest mich zart,
Es zittert durch all meine Glieder
Deine selige Gegenwart.


Quatre derniers lieder
- Printemps


Dans les tombeaux au crépuscule,
J’ai longtemps rêvé
De tes arbres, de tes cieux azurés,
De ton parfum, de tes chants d’oiseaux.
Maintenant tu te montres à moi,
Étincelant et paré,
Baigné de lumière,
Telle une merveille.
Tu me reconnais, encore une fois,
Tu m’attires doucement à toi,
Et ta bienheureuse présence
Vibre à travers tous mes membres.

 

- September
Texte : Hermann Hesse


Der Garten trauert,
kühl sinkt in die Blumen der Regen.
Der Sommer schauert
Still seinem Ende entgegen.
Golden tropft Blatt um Blatt
Nieder vom hohen Akazienbaum.
Sommer lächelt erstaunt und matt
In den sterbenden Gartentraum.
Lange noch bei den Rosen
Bleibt er stehn, sehnt sich nach Ruh.
Langsam tut er die
Müdgewordnen Augen zu.

 

- Septembre


Le jardin est en deuil,
La pluie fraîche alourdit les fleurs.
L’été frissonne doucement,
Sa fin est proche.
L’une après l’autre les feuilles
Tombent en pluie dorée du grand acacia.
L’été sourit, étonné et las,
Dans le rêve que fut ce jardin qui se fane.
Auprès des roses longuement il s’attarde
Aspirant au repos.
Il ferme lentement
Ses yeux affaiblis.

 Beim Schlafengehen
Texte : Hermann Hesse


Nun der Tag mich müd gemacht,
Soll mein sehnliches Verlangen
Freundlich die gestirnte Nacht
Wie ein müdes Kind empfangen.
Hände, lasst von allem Tun,
Stirn, vergiss du alles Denken,
Alle meine Sinne nun
Wollen sich in Schlummer senken.
Und die Seele, unbewacht,
Will in freien Flügen schweben,
Um in Zauberkreis der Nacht
Tief und tausendfach zu leben.


- Au coucher


Puisque je ressens les fatigues de la journée,
Ardemment il me tarde
D’accueillir la nuit étoilée
Comme une enfant lasse.
Vous mes mains, abandonnez toute activité,
Toi mon front, oublie toute pensée,
Vous mes sens
Veuillez maintenant sombrer dans le sommeil.
Alors mon âme libre
S’envolera sans entraves
Au royaume magique de la nuit,
Pour y vivre mille fois plus profondément


- Im Abendrot
Texte : Joseph von Eichendorff


Wir sind durch Not und Freude
Gegangen Hand in Hand;
Vom Wandern ruhen wir
Nun überm stillen Land.
Rings sich die Täler neigen,
Es dunkelt schon die Luft;
Zwei Lerchen nur noch steigen
Nachträumend in den Duft.
Tritt her und laß sie schwirren,
Bald ist es Schlafenszeit;
Daß wir uns nicht verirren
In dieser Einsamkeit.
O weiter, stiller Friede!
So tief im Abendrot,
Wie sind wir wandermüde –
Ist dies etwa der Tod?


- Au crépuscule


Nous avons traversé peines et joies
Main dans la main ;
Maintenant, après tous nos vagabondages,
Nous nous reposons dans la campagne paisible.
Autour de nous les collines se perdent dans les vallons,
Déjà le ciel s’assombrit ;
Deux alouettes esseulées poursuivent leur ascension,
Rêvant à moitié dans l’air parfumé du soir.
Viens-là et laisse-les s’envoler,
Bientôt il sera l’heure de dormir ;
Ne nous perdons point
Dans cette solitude.
Ô paix immense et tranquille !
Si profonde au crépuscule,
Nous sommes las de marcher –
Est-ce peut-être ceci la mort ?

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