Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane.
15 Février 2020
À dater du 6 février 2020, le public new-yorkais pourra découvrir Agrippina, de Haendel, donné pour la première fois au Met. L’opéra fait le choix de proposer une « re-création » de la production de Sir David McVicar, créée initialement à la Monnaie de Bruxelles en 2000, ici avec Joyce DiDonato dans le rôle de l’impératrice Agrippina – qui remportait tous les suffrages dans l’enregistrement paru il y a quelques jours chez Erato – incarnera de nouveau le rôle-titre, avec à ses côtés la soprano Brenda Rae en Poppea, Matthew Rose en Claudio et Kate Lindsey en Nerone.
A la vue des premières images de la générale où Nerone, couvert de tatouages, sniffe de la cocaïne (en 2000, lors de la création de cette production à La Monnaie et au TCE, ce plaisir était réservé à Malena Ernman), on peut dire que cette mise en scène de David McVicar s’annonce rock’n’roll…
Le compte rendu qu'en fait le NY Times explique que déjà à sa création en 1700, l'oeuvre faisait référence à la situation politique de l'époque et non à l'époque romaine. En 2000, lors de la création de l'opéra à la Monnaie, David McVicar décida que ces allusions devaient être explicites et non dans le sous-texte.
20 ans après sa création, le contexte politique évoqué nous présente un empereur jouant au golf, qui pourrait faire penser à Trump, mais en fait cette mise en scène existait déjà dans la version de la Monnaie.
Peter Gelb, le directeur du NY Metropolitan Opera a présenté ainsi la mise en scène d'Agrippina :
“‘Agrippina’ is a dark comedy about the corrupt leaders of ancient Rome, who lie and manipulate in their quest to stay in power,’’
The audience dissolved into knowing laughter.
“I should say that we’re grateful to the White House for making ‘Agrippina’ feel more immediate,” Mr. Gelb said. “We like to think of the impeachment trial as a co-promotion for our new production.”
Ci-dessous quelques extraits vidéos proposés par le Met
Présentation
Agrippina est le troisième opéra d’un jeune compositeur de 24 ans qui fait preuve d’une étonnante maturité musicale et d’un sens théâtral le prédisposant déjà à s’imposer comme le meilleur dramaturge musical de son époque. Le livret écrit par un aristocrate à la réputation quelque peu sulfureuse, le Cardinal Vincenzo Grimani, s’inscrit dans la tradition vénitienne de la satire politique, pleine de personnages hauts en couleur, toujours confrontés à de nombreux rebondissements. On perçoit dans cette intrigue, qui tient parfois du vaudeville, le cynisme et la profondeur de jugement d’un prince de l’Eglise rompu à toutes les roueries du pouvoir. Haendel a su composer une musique parfaitement à l’unisson de ce livret brillant, pour lequel il reprend plusieurs fragments de ses œuvres antérieures selon un procédé qu’il pratiquera tout au long de sa carrière. Certains passages sont réécrits à partir d’emprunts faits à d’autres compositeurs. Cet opéra aux neuf protagonistes comporte un grand nombre d’airs exceptionnels. Tout est utilisé de la manière la plus brillante qui soit dans cette œuvre dont la création fut triomphale. Agrippina marque pour Haendel la fin des «années d’apprentissage » en Italie. Il se lancera bientôt à la conquête du public londonien avec Rinaldo (1711). Agrippina, qui selon les contemporains, rendit littéralement « fou » le public vénitien, fut donnée vingt-sept fois, puis reprise surtout en Italie jusqu’à une complète disparition. Il fallut attendre 1943 pour que le public moderne puisse redécouvrir cette galerie de personnages fourbes et arrogants, dévorés par l’ambition et la cupidité. Lisa Della Casa s’illustra dans le rôle d’Agrippina, pivot central de cette construction d’intrigues et de trahisons.
Résumé
Apprenant la mort de son époux, l’empereur Claudio (Claude), Agrippina (Agrippine) est décidée à tout mettre en œuvre pour que son fils, Nerone (Néron), monte sur le trône impérial. Mais coup de théâtre, Claudio a survécu sauvé par le général Ottone (Othon) auquel il a accordé sa succession en remerciement de son dévouement. Dès lors, Agrippina va devoir déployer des trésors de duplicité et de stratégie pour parvenir à ses fins. Elle parviendra à triompher d’Ottone et de la séduisante et dangereuse Poppea (Poppée) que tous courtisent. Elle obtiendra de Claudio qu’il accorde son trône à Nerone.
Acte 1
Agrippina apprend à son fils Nerone, né d’un premier lit, que l’empereur Claudio son époux, est mort. Elle veut saisir cette occasion pour faire acclamer Nerone empereur. Pour s’en faire des alliés, elle promet ses faveurs à chacun des deux esclaves affranchis de Claudio, Pallante et Narciso. Hélas, on annonce le retour de Claudio, qui a été sauvé par le courageux Ottone. En remerciement de son dévouement, Claudio lui a accordé sa succession. Surtout désireux d’épouser la belle Poppea, Ottone demande son aide à Agrippina pour obtenir sa main. Agrippina sait que Claudio est également amoureux de Poppea et elle entrevoit une nouvelle machination pour perdre Ottone. Poppea s’admire et se pare (« Vaghe perle, eletti fiori ») en songeant que de ses trois soupirants, Claudio, Nerone et Ottone, c’est ce dernier qu’elle préfère. Agrippina vient justement lui annoncer qu’il l’a trahie, l’abandonnant à Claudio en échange du trône (« Ho un non so che nel cor »). Poppea veut se venger en faisant croire à Claudio qu’elle voudrait bien se donner à lui si Ottone, maintenant enhardi par la certitude d’obtenir le trône, ne lui interdisait pas d’aimer l’empereur. Claudio la croit et jure de revenir sur la promesse faite à Ottone. Agrippina arrive juste à temps pour soustraire Poppea au désir de plus en plus pressant de Claudio (« Non ho cor che per amarti »).
Acte 2
Pallante et Narciso découvrent qu’Aggripina s’est jouée d’eux. Ils décident de se liguer contre elle. Lors de la célébration du triomphe de Claudio, rentré vainqueur de sa campagne en Bretagne, Ottone constate sa nouvelle disgrâce (« Voi che udite il moi lamento »). Il cherche en vain le soutien de ses amis. Poppea a des remords et doute maintenant de la supposée trahison d’Ottone (« Ingannata una sol volta »). Les deux amants ont une explication et ils découvrent qu’ils ont été trompés par Agrippina. Ils se promettent de se venger. Poppea accepte un rendez-vous avec Claudio, mais elle y convie également Nerone. Agrippina craint maintenant d’avoir trop parlé de ses projets à Pallante et Narciso (« Pensieri, voi mi tormentate »). Elle cherche à les séduire à nouveau, l’un après l’autre, essayant d’obtenir de chacun qu’il tue l’autre. Elle presse Claudio de laisser le trône à Nerone. Comme il est pressé de se rendre au rendez-vous de Poppea, il accepte ! (« Basta sol che tu chieda »).
Acte 3
Poppea assure Ottone de son amour et lui annonce qu’elle entend bien se venger. À Nerone qui arrive, elle dit de se cacher derrière une porte car Agrippina va venir (« Coll’ardor del tuo bel core »). Puis se présente Claudio auquel la perfide Poppea demande maintenant de punir Nerone, qu’elle lui montre dissimulé derrière sa porte ! L’empereur excédé le chasse. Poppea triomphe et parvient à se débarrasser de Claudio pour se réconcilier avec Ottone (« Bel piacer »). Nerone apprend à sa mère sa récente disgrâce, mais elle ne se laisse pas abattre pour autant. Elle fait front devant les demandes d’explication de Claudio auquel Pallante et Narciso ont révélé toutes les manigances de son épouse. Agrippina révèle à Claudio l’amour de Poppea pour Ottone (« Se vuoi pace, o volto amato »). L’empereur, troublé, ne sait plus que croire. Pour connaître la vérité, il ordonne à Nerone d’épouser Poppea. La réaction d’Ottone est immédiate ; il reconnaît son amour pour Poppea, demande pardon et choisit son amante plutôt que le trône (« Io l’alloro rifiuto »). Claudio, découvrant l’étendue de l’imbroglio, tranche : Nerone lui succèdera et Ottone pourra épouser Poppea. Junon descend du ciel pour bénir cette union (« V’accendan le tede »). Agrippina a obtenu ce qu’elle voulait pour son fils.
Pour aller plus loin dans la découverte de l'oeuvre, lire ici l'analyse de Denis Morrier.
Je joins le livret, pour ceux qui désireraient le lire avant de regarder sa transmission dans les salles de cinéma par le Met le 29 février 2020.
Le livret complet en version originale et avec sa traduction.
Sources : Opera Online
Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane