Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane.
26 Avril 2021
C'est le blog créé par Hélène Kémiktsi (ProjetHomère.com) qui nous présente le poète du jour :
Manolis Anagnostakis (Μανώλης Αναγνωστάκης) né à Thessalonique en 1925, il est décédé en 2005 à Athènes suite à des problèmes cardio-respiratoires . Dans sa ville natale, il poursuivit des études de médecine après lesquelles il alla à Vienne en Autriche pour se spécialiser en radiologie.
Il prit part à la Résistance en tant que membre de l’EPON (ΕΠΟΝ -Ενιαία Πανελλαδική Οργάνωση Νεολαίας -Organisation de la Jeunesse Panhellénique (c'était une organisation antifasciste)) à l’Université de Thessalonique. Pour ses activités politiques, il fut emprisonné de 1948 à 1951- en 1949 il fut même condamné à mort par un tribunal militaire d’exception.
Ses débuts dans les lettres datent de 1942 où il occupait le poste de Rédacteur en chef dans le magazine « Πειραϊκά Γράμματα». En 1944, il collabora avec la revue estudiantine «Ξεκίνημα» qui était un pole de regroupement des jeunes littéraires de l’époque.
En 1945 il édita sa première collection poétique "Εποχές" "Epoques" . Il publia des poèmes et des critiques littéraires dans de nombreuses revues tout en ayant une présence constante avec des articles littéraires ou politiques du journal "Αυγή", "Aurore"
Il édita la revue "Κριτική" "Critique" à Thessalonique (1959-1961). il fut également membre de l’équipe éditoriale «Δεκαοκτώ κειμένων» (1970),
La poésie de Manolis Anagnostakis n’est pas pessimiste même si parfois elle atteint le désespoir, au fond du tunnel on entrevoit une lueur d’espérance – La force de son œuvre poétique dépasse largement les idéologies politiques car il a su exprimer avec brio le mal de vivre et l’espoir de toute une époque.
Il reçut le Prix d'Etat de la Poésie (1986) et le Grand Prix de la littérature (2002). Il a été également nommé Docteur Honoraire à l'Université de Thessalonique. Son poème le plus célèbre est "Μιλώ""Je parle" mis en musique par Mikis Théodorakis. Nombre de ses poèmes ont été traduits en anglais, allemand, français, italien.
ΜΙΛΩ...
Μιλώ για τα τελευταία σαλπίσματα των νικημένων στρατιωτών
Για τα κουρέλια από τα γιορτινά μας φορέματα
Για τα παιδιά μας που πουλάν τσιγάρα στους διαβάτες
Μιλώ για τα λουλούδια που μαραθήκανε σους τάφους και τα σαπίζει η βροχή
Για τα σπίτια που χάσκουνε δίχως παράθυρα σαν κρανία ξεδοντιασμένα
Για τα κορίτσια που ζητιανεύουν δείχνοντας στα στήθια τις πληγές τους
Μιλώ για τις ξυπόλυτες μάνες που σέρνονται στα χαλάσματα
Για τις φλεγόμενες πόλεις τα σωριασμένα κουφάρια σους δρόμους
Τους μαστροπούς ποιητές που τρέμουνε τις νύχτες στα κατώφλια
Μιλώ για τις ατέλειωτες νύχτες όταν το φως λιγοστεύει τα ξημερώματα
Για τα φορτωμένα καμιόνια και τους βηματισμούς στις υγρές πλάκες
Για τα προαύλια των φυλακών και για το δάκρυ των μελλοθανάτων.
Μα πιο πολύ μιλώ για τους ψαράδες
Π' αφήσανε τα δίχτυα τους και πήρανε τα βήματά Του
Κι όταν Αυτός κουράστηκε αυτοί δεν ξαποστάσαν
Κι όταν Αυτός τους πρόδωσε αυτοί δεν αρνήθηκαν
Κι όταν Αυτός δοξάστηκε αυτοί στρέψαν τα μάτια
Κι οι σύντροφοι τους φτύνανε και τους σταυρώναν
Κι αυτοί, γαλήνιοι, το δρόμο παίρνουνε π' άκρη δεν έχει
Χωρίς το βλέμμα τους να σκοτεινιάσει ή να λυγίσει
Όρθιοι και μόνοι μες στη φοβερή ερημία του πλήθους.
Je parle
Je parle au nom des derniers coups de clairon des soldats vaincus
Au nom des (derniers) lambeaux des robes de fêtes
Au nom des enfants qui vendent des cigarettes aux passants
Je parle au nom des fleurs flétries sur les tombes, pourries par la pluie
Au nom des maisons ouvertes sans fenêtres comme des cranes édentés
Au nom des filles qui mendient montrant leurs blessures aux seins
Je parle au nom des mères qui rampent pieds nus dans les décombres
Au nom des villes embrasées, entassées de cadavres dans les rues
Des poètes proxénètes qui tremblent à la tombée de la nuit
Je parle au nom des nuits interminables lorsque la lumière s’estompe au lever du jour
Au nom des camions chargés qui avancent sur la chaussée humide
Au nom des cours de prison et des larmes des condamnés à mort
Mais je parle surtout au nom des pêcheurs
Qui abandonnèrent les filets et suivirent ses traces
Lorsque lui se lassa, eux ne se reposèrent point
Lorsque lui, les trahit, eux ne renièrent point
Et lorsqu’ il fut glorifié, eux jetèrent un regard
Et leurs compagnons leur crachèrent (au visage) et les martyrisèrent
Mais eux sereins, empruntèrent une route sans fin
Leur regard n’était ni obscurci ni fléchi
Debouts et seuls au milieu de ce terrible désert de la foule
Traduction : Hélène Kémiktsi
ProjetHomère.com
Je parle
Je parle du dernier clairon sonnant chez les soldats vaincus
Des derniers lambeaux de nos habits de fête
De nos enfants dans la rue vendant des cigarettes
Je parle des fleurs fanées que la pluie pourrit sur les tombes
Des maisons sans vitres béantes comme des crânes édentés
Des filles qui mendient montrant les plaies de leurs seins
Je parle des mères traînant pieds nus dans les décombres
Des villes incendiées des cadavres entassés dans les rues
Des poètes souteneurs tremblant la nuit aux portes des maisons
Je parle des nuits sans fin quand la lumière faiblit à l'aube
Des camions lourds des pas sur les dalles mouillées
Des cours devant les prisons des larmes des condamnés.
Mais surtout je parle des pêcheurs
Qui laissant leurs filets Le suivirent
Et quand Il fut lassé jamais ne s'arrêtèrent
Et quand Il les trahit jamais ne le renièrent
Et quand lui vint la gloire détournèrent les yeux
Et, crucifiés, sous les crachats des camarades
Partent sereins sur la route sans fin
Sans que jamais fléchisse leur regard
Debout et seuls dans le désert terrible de la foule.
(une autre traduction proposée par Michel Volkovitch)
Quelle est votre version préférée ? Je préfère la seconde et vous ?
Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane