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Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane.

"μιλώ - Je parle" : une poésie de Manolis Anagnostakis

C'est le blog créé par Hélène Kémiktsi (ProjetHomère.com) qui nous présente le poète du jour :

Manolis Anagnostakis (Μανώλης Αναγνωστάκης) né à Thessalonique en 1925, il est décédé en 2005 à Athènes suite à des problèmes cardio-respiratoires . Dans sa ville natale, il poursuivit des études de médecine après lesquelles il alla à Vienne en Autriche pour se spécialiser en radiologie.

Il prit part à la Résistance en tant que membre de l’EPON (ΕΠΟΝ -Ενιαία Πανελλαδική Οργάνωση Νεολαίας -Organisation de la Jeunesse Panhellénique (c'était une organisation antifasciste))  à l’Université de Thessalonique. Pour ses activités politiques, il fut emprisonné de 1948 à 1951- en 1949 il fut même condamné à mort par un tribunal militaire d’exception. 

Ses débuts dans les lettres datent de 1942 où il occupait le poste de Rédacteur en chef dans le magazine « Πειραϊκά Γράμματα». En 1944, il collabora avec la revue estudiantine  «Ξεκίνημα» qui était un pole de regroupement des jeunes littéraires de l’époque.

En 1945 il édita sa première collection poétique "Εποχές" "Epoques" . Il publia des poèmes et des critiques littéraires dans de nombreuses revues tout en ayant une présence constante avec des articles littéraires ou politiques du journal "Αυγή", "Aurore"

 Il édita la revue "Κριτική" "Critique" à Thessalonique (1959-1961). il fut également membre de l’équipe éditoriale «Δεκαοκτώ κειμένων» (1970),

 

La poésie de Manolis Anagnostakis n’est pas pessimiste même si parfois elle atteint le désespoir, au fond du tunnel on entrevoit une lueur d’espérance – La force de son œuvre poétique dépasse largement les idéologies politiques car il a su exprimer avec brio le mal de vivre  et l’espoir de toute une époque.

 

Il reçut le Prix d'Etat de la Poésie (1986) et le Grand Prix de la littérature (2002). Il a été également nommé Docteur Honoraire à l'Université de Thessalonique. Son poème le plus célèbre est "Μιλώ""Je parle" mis en musique par Mikis Théodorakis. Nombre de ses poèmes ont été traduits en anglais, allemand, français, italien.

 

Disordered - Chrys Roboras

Disordered - Chrys Roboras


 
 ΜΙΛΩ...  
 

Μιλώ για τα τελευταία σαλπίσματα των νικημένων στρατιωτών
Για τα κουρέλια από τα γιορτινά μας φορέματα
Για τα παιδιά μας που πουλάν τσιγάρα στους διαβάτες
Μιλώ για τα λουλούδια που μαραθήκανε σους τάφους και τα σαπίζει η βροχή
Για τα σπίτια που χάσκουνε δίχως παράθυρα σαν κρανία ξεδοντιασμένα
Για τα κορίτσια που ζητιανεύουν δείχνοντας στα στήθια τις πληγές τους
Μιλώ για τις ξυπόλυτες μάνες που σέρνονται στα χαλάσματα
Για τις φλεγόμενες πόλεις τα σωριασμένα κουφάρια σους δρόμους
Τους μαστροπούς ποιητές που τρέμουνε τις νύχτες στα κατώφλια
Μιλώ για τις ατέλειωτες νύχτες όταν το φως λιγοστεύει τα ξημερώματα
Για τα φορτωμένα καμιόνια και τους βηματισμούς στις υγρές πλάκες
Για τα προαύλια των φυλακών και για το δάκρυ των μελλοθανάτων.

Μα πιο πολύ μιλώ για τους ψαράδες
Π' αφήσανε τα δίχτυα τους και πήρανε τα βήματά Του
Κι όταν Αυτός κουράστηκε αυτοί δεν ξαποστάσαν
Κι όταν Αυτός τους πρόδωσε αυτοί δεν αρνήθηκαν
Κι όταν Αυτός δοξάστηκε αυτοί στρέψαν τα μάτια
Κι οι σύντροφοι τους φτύνανε και τους σταυρώναν
Κι αυτοί, γαλήνιοι, το δρόμο παίρνουνε π' άκρη δεν έχει
Χωρίς το βλέμμα τους να σκοτεινιάσει ή να λυγίσει

Όρθιοι και μόνοι μες στη φοβερή ερημία του πλήθους.
 

Traduction : ProjetHomère.com


 Je parle


Je parle au nom des derniers coups de clairon des soldats vaincus

Au nom des (derniers) lambeaux des robes de fêtes

Au nom des  enfants qui vendent des cigarettes aux passants

Je parle au nom des fleurs flétries sur les tombes, pourries par la pluie

Au nom des maisons ouvertes sans fenêtres comme des cranes édentés

Au nom des filles qui mendient montrant leurs blessures aux seins

Je parle au nom des mères qui rampent pieds nus dans les décombres

Au nom  des villes embrasées,  entassées de cadavres dans les rues

Des poètes proxénètes qui tremblent à la tombée de la nuit  

Je parle au nom des nuits interminables lorsque la lumière s’estompe au lever du jour

Au nom des camions chargés qui avancent sur la chaussée humide

Au nom des cours de prison et des larmes des condamnés à mort


Mais je parle surtout au nom des pêcheurs

Qui abandonnèrent les filets et suivirent ses traces

Lorsque lui se lassa,  eux ne se reposèrent point

Lorsque lui, les trahit, eux ne renièrent point

Et lorsqu’ il fut glorifié, eux jetèrent un regard

Et leurs compagnons leur crachèrent (au visage) et les martyrisèrent

Mais eux sereins, empruntèrent une route sans fin

Leur regard n’était ni obscurci ni fléchi


Debouts et seuls au milieu de ce terrible désert de la foule

 

Traduction : Hélène Kémiktsi

ProjetHomère.com


Je parle


Je parle du dernier clairon sonnant chez les soldats vaincus

Des derniers lambeaux de nos habits de fête

De nos enfants dans la rue vendant des cigarettes

Je parle des fleurs fanées que la pluie pourrit sur les tombes

Des maisons sans vitres béantes comme des crânes édentés

Des filles qui mendient montrant les plaies de leurs seins

Je parle des mères traînant pieds nus dans les décombres

Des villes incendiées des cadavres entassés dans les rues

Des poètes souteneurs tremblant la nuit aux portes des maisons

Je parle des nuits sans fin quand la lumière faiblit à l'aube

Des camions lourds des pas sur les dalles mouillées

Des cours devant les prisons des larmes des condamnés.


Mais surtout je parle des pêcheurs

Qui laissant leurs filets Le suivirent

Et quand Il fut lassé jamais ne s'arrêtèrent

Et quand Il les trahit jamais ne le renièrent

Et quand lui vint la gloire détournèrent les yeux

Et, crucifiés, sous les crachats des camarades

Partent sereins sur la route sans fin

Sans que jamais fléchisse leur regard


Debout et seuls dans le désert terrible de la foule.

(une autre traduction proposée par Michel Volkovitch)

Quelle est votre version préférée ? Je préfère la seconde et vous ?

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