Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane.
29 Novembre 2021
L'histoire d'un poème d'Aragon, "Bierstube Magie Allemande" dont Ferré s'inspire pour écrire "Est-ce ainsi que les hommes vivent", racontée ici par Bernard Scheil de la société belge des amis d'Aragon.
La dessinatrice et artiste peintre Jeanne Mammen (1890-1976) a vécu à Paris et Bruxelles, mais surtout à Berlin, dont elle a beaucoup montré la société underground : prostituées, artistes et marginaux. Son destin fut celui de nombreuses femmes artistes : elle passa sa vie dans l'ombre des grands hommes comme George Grosz ou Otto Dix, dont elle fut la contemporaine. Quarante après sa mort, elle semble aujourd'hui sortir de l'oubli, en particulier sur le marché de l'art américain, où ses tableaux rencontrent un vrai succès.
Bierstube Magie allemande
Et douces comme un lait d'amandes
Mina Linda lèvres gourmandes
Qui tant souhaitent d'être crues
A fredonner tout bas s'obstinent
L'air Ach du lieber Augustin
Qu'un passant siffle dans la rue
Sofienstrasse Ma mémoire
Retrouve la chambre et l'armoire
L'eau qui chante dans la bouilloire
Les phrases des coussins brodés
L'abat-jour de fausse opaline
Le Toteninsel de Boecklin
Et le peignoir de mousseline
Qui s'ouvre en donnant des idées
Au plaisir prise et toujours prête
Ô Gaense-Liesel des défaites
Tout à coup tu tournais la tête
Et tu m'offrais comme cela
La tentation de ta nuque
Demoiselle de Sarrebrück
Qui descendais faire le truc
Pour un morceau de chocolat
Et moi pour la juger que suis-je
Pauvres bonheurs pauvres vertiges
Il s'est tant perdu de prodiges
Que je ne m'y reconnais plus
Rencontres Partances hâtives
Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent
Comme des soleils révolus
Tout est affaire de décors
Changer de lit changer de corps
À quoi bon puisque c'est encore
Moi qui moi-même me trahis
Moi qui me traîne et m'éparpille
Et mon ombre se déshabille
Dans les bras semblables des filles
Où j'ai cru trouver un pays
Coeur léger coeur changeant coeur lourd
Le temps de rêver est bien court
Que faut-il faire de mes jours
Que faut-il faire de mes nuits
Je n'avais amour ni demeure
Nulle part où je vive ou meure
Je passais comme la rumeur
Je m'endormais comme le bruit
C'était un temps déraisonnable
On avait mis les morts à table
On faisait des châteaux de sable
On prenait les loups pour des chiens
Tout changeait de pôle et d'épaule
La pièce était-elle ou non drôle
Moi si j'y tenait mal mon rôle
C'était de n'y comprendre rien
Dans le quartier Hohenzollern
Entre la Sarre et les casernes
Comme les fleurs de la luzerne
Fleurissaient les seins de Lola
Elle avait un coeur d'hirondelle
Sur le canapé du bordel
Je venais m'allonger près d'elle
Dans les hoquets du pianola
Elle était brune et pourtant blanche
Ses cheveux tombaient sur ses hanches
Et la semaine et le dimanche
Elle ouvrait à tous ses bras nus
Elle avait des yeux de faïence
Et travaillait avec vaillance
Pour un artilleur de Mayence
Qui n'en est jamais revenu
Il est d'autres soldats en ville
Et la nuit montent les civils
Remets du rimmel à tes cils
Lola qui t'en iras bientôt
Encore un verre de liqueur
Ce fut en avril à cinq heures
Au petit jour que dans ton coeur
Un dragon plongea son couteau
Le ciel était gris de nuages
Il y volait des oies sauvages
Qui criaient la mort au passage
Au-dessus des maisons des quais
Je les voyais par la fenêtre
Leur chant triste entrait dans mon être
Et je croyais y reconnaître
Du Rainer Maria Rilke.
Louis Aragon.
Tout est affaire de décor, changer de lit, changer de corps
À quoi bon puisque c'est encore ? Moi qui moi-même me trahis
Moi qui me traîne et m'éparpille et mon ombre se déshabille
Dans les bras semblables des filles où j'ai cru trouver un pays.
Cœur léger, cœur changeant, cœur lourd
Le temps de rêver est bien court
Que faut-il faire de mes jours ? Que faut-il faire de mes nuits ?
Je n'avais amour ni demeure, nulle part où je vive ou meure
Je passais comme la rumeur, je m'endormais comme le bruit.
Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
Et leurs baisers au loin les suivent.
C'était un temps déraisonnable, on avait mis les morts à table
On faisait des châteaux de sable, on prenait les loups pour des chiens
Tout changeait de pôle et d'épaule, la pièce était-elle ou non drôle ?
Moi, si j'y tenais mal mon rôle, c'était de n'y comprendre rien
Dans le quartier Hohenzollern, entre la Sarre et les casernes
Comme les fleurs de la luzerne, fleurissaient les seins de Lola
Elle avait un cœur d'hirondelle sur le canapé du bordel
Je venais m'allonger près d'elle, dans les hoquets du pianola.
Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
Et leurs baisers au loin les suivent.
Le ciel était gris de nuages, il y volait des oies sauvages
Qui criaient la mort au passage, au-dessus des maisons des quais
Je les voyais par la fenêtre, leur chant triste entrait dans mon être
Et je croyais y reconnaître du Rainer Maria Rilke.
Elle était brune, elle était blanche
Ses cheveux tombaient sur ses hanches
Et la semaine et le dimanche, elle ouvrait à tous ses bras nus
Elle avait des yeux de faïence, elle travaillait avec vaillance
Pour un artilleur de Mayence qui n'en est jamais revenu.
Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
Et leurs baisers au loin les suivent.
Il est d'autres soldats en ville et la nuit, montent les civils
Remets du rimmel à tes cils, Lola qui t'en iras bientôt
Encore un verre de liqueur, ce fut en avril à cinq heures
Au petit jour que dans ton cœur, un dragon plongea son couteau
Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
Et leurs baisers au loin les suivent.
Paroles de Léo Ferré
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