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Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane.

Annuszka - Szymon Podwin - Aннушка уже купила масло !

Plus que jamais, lire et relire les avertissements que diffuse l'excellent blog "Chansons contre la guerre", dont sont extraits les textes ci-dessous !

Annuszka - Szymon Podwin - Aннушка уже купила масло !
Pour expliquer un peu mieux cette chanson de Szymon Podwin, il faut rappeler un célèbre roman russe, si célèbre que peu de gens l'ont lu jusqu'au bout (comme c'est généralement le cas pour tous les romans russes, je n'ai encore rencontré personne - moi y compris - qui soit allé jusqu'au bout de "Guerre et Paix" ou de "Crime et Châtiment"). Je parle du "Maître et Marguerite" de Mikhaïl Boulgakov (Мастер и Маргарита), écrit (et dans différentes éditions) entre 1928 et 1940, au plus fort de la terreur stalinienne. Il n'a été publié qu'entre 1966 et 1967, de surcroît dans une version "expurgée" non négligeable ; en 1967, la première traduction italienne (par Vera Dridso) a été publiée par Einaudi, avec une préface et des notes du grand russophile Vittorio Strada.

Au début de ce "roman du Diable", dans le premier chapitre (intitulé "Ne parlez jamais aux étrangers"), Satan apparaît à Moscou (Union soviétique). Deux écrivains rencontrent un type qui parle bien russe, mais avec un accent quelque peu étranger (Bezdomnyj le prend, oui, pour un Polonais) ; une conversation intéressante s'ensuit. À ce moment précis, en effet, une brave femme, Annouchka ("l'Annina", en somme), a déjà acheté une bouteille d'huile de tournesol et, en marchant, en a renversé sur les rails du tramway. L’écrivain Berlioz, après l'étrange conversation avec l'inconnu, glisse sur l'huile renversée par Annouchka au moment où le tramway passe, qui lui arrache la tête. Il faut savoir que, depuis, la phrase russe : Aннушка уже купила масло ! "Annouchka a déjà acheté l’huile !" est pratiquement passée en proverbe. Cela signifie que, quelque part, un événement apparemment insignifiant est sur le point de changer le cours de l'histoire.

[...]

Ainsi, toute l'histoire du séjour insensé de Satan à Moscou, de ses sbires et du chat Béhémoth a pour origine une dame qui a versé de l'huile de tournesol sur les rails du tramway. A partir de là, on comprend, je l'espère, un peu mieux le sens de cette chanson de Szymon Podwin dans laquelle Annouchka a déjà versé de l'huile et un type, un type qui s'appelle Vladimir Poutine, a déjà commencé la guerre. Ensuite, ce qui doit arriver arrivera en gardant à l'esprit, bien sûr, comme le contributeur anonyme (en fait, très anonyme) nous l'indique, que cette chanson a été composée moins d'un mois après l'attaque de Poutine sur l'Ukraine, avec toutes les craintes d'une attaque directe sur la Pologne qui l'accompagnent. [RV]
 
Annuszka - Szymon Podwin - Aннушка уже купила масло !

Więc stanie się, co stać się musi
Nieuchronna to losu kolej
Krwi plama na mapy obrusie
Annuszka rozlała już olej

Władimir pod nosem zanuci
Poniosą się echem czastuszki
Za późno już, żeby zawrócić
Rozlany już olej Annuszki

Krew spłynie jak armia - czerwona
W łez błoto na ziemskim padole
Niejeden Leonid tu skona
Annuszka rozlała już olej

Przekroczą nad ranem granice
I staną w płomieni opałach
Wyrzutnie, platformy, haubice,
Annuszka już olej rozlała

I zacznie się bal, śmierci taniec
I pójdzie Wołodia w niewolę
I skończy jak papa w Afganie
Annuszka rozlała już olej

Nim zamkną na klucz okrążenie
Pandory otworzy się puszka
I ześle na wszystkich cierpienie
Rozlała już olej Annuszka

I zwali się Iwan w czarnoziem
Wyrośnie mu kwiat w oczodole
A matka się nawet nie dowie
Annuszka rozlała już olej

Światowym kryzysem zaiskrzy
Zapłonie znów Wołyń, Podole
Lecz zajmie się Kreml od tej iskry
Rozlała Annuszka już olej

ANNOUCHKA

Ce qui doit arriver, arrivera, c’est certain ;
C'est le cours inévitable du destin :
Tache de sang sur la nappe fragile.
Annouchka a déjà renversé l'huile.

Vladimir fredonne sa haine
En écho à la rengaine.
Il est trop tard pour qu’on recule.
Annouchka a déjà renversé l'huile.

Le sang courra comme une armée : rouge !
En larmes de boue sur le val de terre,
Plus d'un Leonid mourra ici seul.
Annouchka a déjà renversé l'huile.

La frontière au matin, ils franchiront
Avec canons, chars, missiles
Et les carburants brûleront.
Annouchka a déjà renversé l'huile.

Le bal s’ouvre, la danse de la mort va commencer,
Et Volodya s’en ira en captivité
Et comme son père en Afghanistan finira débile.
Annouchka a déjà renversé l'huile.

Avant que le cercle ne se boucle,
La boîte de Pandore va s’ouvrir,
Et le monde entier va souffrir :
Annouchka a déjà renversé l'huile.

Et Ivan roulera sur la terre meuble,
Une fleur, hors de son œil, poussera
Et sa mère ne le saura même pas :
Annouchka a déjà renversé l'huile.

La crise mondiale va éclater,
La Volinie et la Podolie vont brûler
Et le Kremlin cramera de cette étincelle.
Annouchka a déjà renversé l'huile.

Version française – ANNOUCHKA – Marco Valdo M.I. - 2023
d’après la traduction italienne de Riccardo Venturi
d’une chanson polonaise – Annuszka - Szymon Podwin - 2022

 

L'extrait du "Maître et Marguerite", dont est inspirée la chanson...


« – Là, vous exagérez. Pour moi, par exemple, je sais à peu près exactement ce que je vais faire ce soir. Évidemment, si dans la rue Bronnaïa, une tuile me tombe sur la tête…

– Jamais une tuile ne tombera par hasard sur la tête de qui que ce soit, interrompit l’étranger avec un grand sérieux. Vous, en particulier, vous n’avez absolument rien à craindre de ce côté. Vous mourrez autrement.

– Vous savez sans doute exactement comment je mourrai ? s’enquit Berlioz avec une ironie parfaitement naturelle, acceptant de suivre son interlocuteur dans cette conversation décidément absurde. Et vous allez me le dire ?

– Bien volontiers, répondit l’inconnu.

Il jaugea Berlioz du regard, comme s’il voulait lui tailler un costume, marmotta entre ses dents quelque chose comme : « Un, deux… Mercure dans la deuxième maison… la lune est partie… six – un malheur… le soir – sept… », puis, à haute voix, il annonça gaiement :

– On vous coupera la tête !

Stupéfié par cette impertinence, Biezdomny dévisagea l’étranger avec une haine sauvage cependant que Berlioz demandait en grimaçant un sourire :

– Ah ! bon ? Et qui cela ? L’ennemi ? Les interventionnistes ?

– Non, répondit l’autre. Une femme russe, membre de la Jeunesse communiste.

– Hum…, grogna Berlioz, irrité par cette plaisanterie de mauvais goût, excusez-moi, mais c’est peu vraisemblable.

– Excusez-moi à votre tour, répondit l’étranger, mais c’est la vérité. Ah ! oui, je voulais vous demander ce que vous comptiez faire ce soir, si ce n’est pas un secret.

– Ce n’est pas un secret. Je vais d’abord rentrer chez moi, rue Sadovaïa, puis, à dix heures, j’irai présider la réunion du Massolit.

– C’est tout à fait impossible, répliqua l’étranger d’un ton ferme.

– Et pourquoi ?

Clignant des yeux, l’étranger regarda le ciel que des oiseaux noirs, pressentant la fraîcheur du soir, zébraient d’un vol rapide, et répondit :

– Parce qu’Annouchka a déjà acheté l’huile de tournesol. Et non seulement elle l’a achetée, mais elle l’a déjà renversée. De sorte que la réunion n’aura pas lieu. »

Extrait de Mikhaïl Boulgakov LE MAÎTRE ET MARGUERITE, p.p. 19-22

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