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Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane.

Κατερίνα Αγγελάκη-Ρουκ - "Λέει η Πηνελόπη" - Katerina Anghelaki_Rooke - "Pénélope dit"

Quel est le plus grand bonheur ? lui demande un journaliste.

— L'amour qui devient création. La création qui devient amour.

On ne saurait mieux résumer la démarche de Katerìna Anghelàki-Rooke. Sa poésie est éminemment amoureuse. D'abord, l'amour en est le centre. Ses poèmes, parlant à la première personne, sont les jalons d'une vaste confession — du sentiment, et non de l'anecdote. Mais l'amour humain ici n'est que le foyer d'un rayonnement qui s'étend à la vie, goûtée avec passion, à la nature, objet d'un culte quasi religieux («La nature est mon maître») et à la poésie, préoccupation de tous les instants.

Il y a ainsi certains poètes dont on se demande qui, d'eux ou de leur poésie, a créé l'autre.

Ses poèmes, parfois longs, errants, sinueux, penchent vers la méditation, la spéculation (le tao, souvent, n'est pas loin), mais sans tomber dans l'abstrait : on reste toujours ici au plus près du corps ; les forces élémentaires cachées, objet de la quête, sont approchées d'abord par les sens et leurs tâtonnements de semi-aveugles.

Marquée par les poètes anglo-saxons, Sylvia Plath au premier rang, par les Russes et du côté grec par l'immense Karoùzos, Katerìna Anghelàki-Rooke gêne les historiens littéraires : elle a publié trop tôt pour appartenir à la «génération de 70», mais c'est à l'idiome de ses cadets que le sien ressemble le plus, par un certain dosage d'abrupt et de fluidité, d'obscurité et de transparence. En fait cette poésie n'a pas d'âge. Malgré les souffrances dont elle se fait l'écho, et la mélancolie dont peu à peu elle se voile, elle a de bonnes chances de rester toujours jeune et fraîche.

Née à Athènes en 1939, elle a publié onze recueils de poèmes : Loups et nuages (1963), Poèmes 63-69 (1971), Marie-Madeleine, grand mammifère (1973), Les papiers dispersés de Pénélope (1977), Le triomphe de la perte constante (1978), Amour contraire (1982), Les prétendants (1984), Vent épilogue (1990), Nature vide (1993), La chair beau désert (1995), Lypiou (1995), La matière seule (2001) et La fin traduite en amour de la vie (2003).

Elle a traduit notamment D. Thomas, S. Heaney, Pouchkine, Lermontov, V. Maïakovski, V. Voznessenski.

 

(source : M. Volkovitch - Poètes grecs du 21e siècle)

Isabelle Roby - Pénélope

Isabelle Roby - Pénélope

Κατερίνα Αγγελάκη-Ρουκ

Λέει η Πηνελόπη

"And your absence teaches me

what art could not"

Daniel Weissbort

Δεν ύφαινα, δεν έπλεκα
ένα γραφτό άρχιζα, κι έσβηνα
κάτω απ’ το βάρος της λέξης
γιατί εμποδίζεται η τέλεια έκφραση
όταν πιέζετ’ από πόνο το μέσα.

Κι ενώ η απουσία είναι το θέμα της ζωής μου
—απουσία από τη ζωή—
κλάματα βγαίνουν στο χαρτί
κι η φυσική οδύνη του σώματος
που στερείται.

Σβήνω, σχίζω, πνίγω
τις ζωντανές κραυγές
«πού είσαι, έλα, σε περιμένω
ετούτη η άνοιξη δεν είναι σαν τις άλλες»
και ξαναρχίζω το πρωί
με νέα πουλιά και λευκά σεντόνια
να στεγνώνουν στον ήλιο.

Δε θα ’σαι ποτέ εδώ
με το λάστιχο να ποτίζεις τα λουλούδια
να στάζουν τα παλιά ταβάνια
φορτωμένα βροχή
και να ’χει διαλυθεί η δική μου
μες στη δική σου προσωπικότητα
ήσυχα, φθινοπωρινά…
Η εκλεκτή καρδιά σου
—εκλεκτή γιατί τη διάλεξα—
θα ’ναι πάντα αλλού
κι εγώ με λέξεις θα κόβω
τις κλωστές που με δένουν
με τον συγκεκριμένο άντρα
που νοσταλγώ
όσο να γίνει σύμβολο Νοσταλγίας ο Οδυσσέας
και ν’ αρμενίζει τις θάλασσες
στου καθενός το νου.
Σε λησμονώ με πάθος
κάθε μέρα
για να πλυθείς από τις αμαρτίες
της γλύκας και της μυρωδιάς
κι ολοκάθαρος πια
να μπεις στην αθανασία.

Είναι σκληρή δουλειά κι άχαρη.
Μόνη μου πληρωμή αν καταλάβω
στο τέλος τί ανθρώπινη παρουσία
τί απουσία
ή πώς λειτουργεί το εγώ
στην τόσην ερημιά, στον τόσο χρόνο
πώς δεν σταματάει με τίποτα το αύριο
το σώμα όλο ξαναφτιάχνει τον εαυτό του
σηκώνεται και πέφτει στο κρεβάτι
σα να το πελεκάνε
πότε άρρωστο και πότε ερωτευμένο
ελπίζοντας
πως ό,τι χάνει σε αφή
κερδίζει σε ουσία.

Κατερίνα Αγγελάκη-Ρουκ. 1977. Τα σκόρπια χαρτιά της Πηνελόπης. Θεσσαλονίκη: Εγνατία/Τραμ. Και στον συγκεντρωτικό τόμο: Κατερίνα Αγγελάκη-Ρουκ. 1999. Ποιήματα (1963–1977). Αθήνα: Καστανιώτης.

 

Katerina Anghelaki-Rooke

"Pénélope dit"

“And your absence teaches me
what art could not”
Daniel Weissbort



 
Je ne tissais pas, je ne tricotais pas,
c’est un texte que je commençais, et je l’effaçais
sous le poids des mots
parce que l’expression parfaite est empêchée
quand l’intérieur est oppressé de douleur.
 
Et tandis que l’absence est le thème de ma vie
-l’absence de la vie-
surgissent sur le papier des pleurs
et la souffrance naturelle du corps
qui est en manque.
 
J’efface, je déchire, je nie
les cris vivants
“où es-tu, viens, je t’attends
ce printemps-là n’est pas comme les autres”
et je recommence au matin
avec des oiseaux neufs et des draps blancs
à sécher au soleil.
 
Tu ne seras jamais là
avec le tuyau à arroser les fleurs
alors que les vieux plafonds dégoulinent
chargés de pluie
et que ma personnalité s’est diluée
dans la tienne
tranquillement, comme en automne…
Ton coeur d’exception
– d’exception parce que je l’ai choisi –
sera toujours ailleurs
et moi je continuerai à couper avec des mots
les fils qui me relient
à l’homme particulier
qui me manque
jusqu’à ce qu’Ulysse devienne symbole de Nostalgie
et qu’il arpente les mers
dans l’esprit de tout un chacun.
Je t’oublie avec passion
chaque jour
pour que tu te laves des péchés
de la douceur et de l’odeur
et que, tout propre désormais,
tu entres dans l’immortalité.
 
C’est un travail difficile et ingrat.
Mon seul salaire sera de comprendre
à la fin quelle présence humaine
quelle absence
ou bien comment fonctionne le moi
dans tout ce désert, dans tout ce temps
comment le lendemain ne s’arrête pour rien au monde
le corps se répare sans cesse
se lève et se couche
comme si on le taillait
tantôt malade et tantôt amoureux
en espérant
que ce qu’il perd en contact
il le gagne en substance.
 
[Katerina Anghelaki_Rooke, “Les papiers épars de Pénélope”, 1977 dans “Poèmes 1963-1977”, Kastaniotis]
Traduction: Marie-Laure Coulmin Koutsaftis
Peinture: Pavlos Moschidis, ” Forme féminine à l’intérieur”, 1957. Source

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