Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane.
9 Mai 2021
Kurt Weill (1900-1950) a été élevé dans une famille juive de Dessau, en Allemagne. Pianiste de cabaret, il rencontre Bertolt Brecht en 1927, avec qui il écrit "l'Opéra de quat' sous", sorte d'épopée populaire.
Youkali, avant d'être écrit ainsi, était une des musiques orchestrales de "Marie galante", un conte mis en scène et en musique, adapté d'un roman de Jacques Deval. Marie galante raconte les péripéties d'une jeune fille bordelaise enlevée, puis abandonnée par un capitaine de navire, et qui ne reverra pas sa ville natale. L'orchestre, celui d'un grand cabaret avec une section de 4 saxophones et 3 cuivres, 4 instruments à cordes dont une contrebasse, piano, percussion et accordéon, suggère une ambiance glauque des bas-fonds dans un tango-habanera qui va inspirer Roger Fernay, auteur de chansons et livrets d'opérettes. Et en 1935, il écrit des paroles sur ce tango-habanera, qu'il appelle "Youkali".
La mélancolie de ce tango est suggérée par la tonalité de Ré mineur, tant dans le couplet que le refrain, même s'il s'achève en Fa majeur (tonalité relative de Ré mineur). La coda, en Fa également, laisse l'auditeur songeur par son dernier arpège en Fa7 qui évite la conclusion tonale habituelle.
Le couplet est dramatisé en son début par le rythme syncopé de l'accompagnement traduisant l'errance de l'émigré ("C'est presque au bout du monde, ma barque vagabonde, errant au gré de l'onde...") et le caractère inéluctable d'une destinée sans avenir ("Et la vie nous entraîne, lassante, quotidienne, mais la pauvre âme humaine...") tandis que la mélopée du refrain s'installe sur un rythme de habanera, suggérant par sa monotonie un idéal qui n'existe pas ("il n'y a pas de Youkali"), vérité assénée par le Fa Majeur.
Bien que n'ayant pas été écrit par un Argentin, Youkali reflète tout à fait l'esprit du tango, Kurt Weill se sentant probablement proche des émigrés d'Amérique du sud : à cause du régime nazi, il s'est expatrié d'abord à Paris et à Londres de 1933 à 1935, puis aux Etats-Unis en 1937 où il est mort en citoyen américain.
C’est presque au bout du monde
Ma barque vagabonde
Errant au gré de l’onde
M’y conduisit un jour
L’île est toute petite
Mais la fée qui l’habite
Gentiment nous invite
À en faire le tour
Youkali, c’est le pays de nos désirs
Youkali, c’est le bonheur, c’est le plaisir
Youkali, c’est la terre où l’on quitte tous les soucis
C’est, dans notre nuit, comme une éclaircie
L’étoile qu’on suit, c’est Youkali
Youkali, c’est le respect de tous les vœux échangés
Youkali, c’est le pays des beaux amours partagés
C’est l’espérance qui est au cœur de tous les humains
La délivrance que nous attendons tous pour demain
Youkali, c’est le pays de nos désirs
Youkali, c’est le bonheur, c’est le plaisir
Mais c’est un rêve, une folie
Il n’y a pas de Youkali
Mais c’est un rêve, une folie
Il n’y a pas de Youkali
Et la vie nous entraîne
Lassante, quotidienne
Mais la pauvre âme humaine
Cherchant partout l’oubli
A, pour quitter la terre
Su trouver le mystère
Où nos rêves se terrent
En quelque Youkali
Youkali, c’est le pays de nos désirs
Youkali, c’est le bonheur, c’est le plaisir
Youkali, c’est la terre où l’on quitte tous les soucis
C’est, dans notre nuit, comme une éclaircie
L’étoile qu’on suit, c’est Youkali
Youkali, c’est le respect de tous les voeux échangés
Youkali, c’est le pays des beaux amours partagés
C’est l’espérance qui est au cœur de tous les humains
La délivrance que nous attendons tous pour demain
Youkali, c’est le pays de nos désirs
Youkali, c’est le bonheur, c’est le plaisir
Mais c’est un rêve, une folie
Il n’y a pas de Youkali
Mais c’est un rêve, une folie
Il n’y a pas de Youkali
Je vous laisse choisir votre version préférée....
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