Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane.
2 Décembre 2022
Laissons Esprits Nomades nous présenter Bea Tristan :
Bea Tristan est plus qu’une chanteuse. Elle est un road-movie à elle seule. Sa voix qui feule le long de la rouille des jours semble toujours prendre la route. Et la route, mais aussi la tangente, elle l’aura souvent prise. Quand « la carrière » s’ouvrait devant elle, enfant prodige de la chanson, elle suivait ses fuites durables et renouvelables. À peine reconnue elle aura largué les amarres de ce drôle de métier à la fin des années soixante-dix. Sa voix mauve et fauve préférait se lancer dans la canopée de la vie, loin des hypocrisies. Et motarde des rêves elle s’en était allée soulever la lumière de la poussière. Boule d’énergie elle ne pouvait ni plier, ni se plier. Elle est faite de limon sauvage, d’une enfance au milieu des palissandres à Madagascar, de la rage de chanter, de ses voyages et de ses fuites dans l’infini au-delà des chiens errants de nos conforts et désastres.
Monsieur Mecano
Je me suis levée comme on se lève de table,
Et j’ai laissé mon odeur comme on laisse un pourboire,
J’ai repris mes esprits comme j’ai repris mon blouson,
Et je suis sortie de cette vie comme on sort de prison.
Et dehors le noir de la nuit m’a saisie,
Et le vide de la foule m’a envahie,
Et sur la chaussée mouillée le reflet inversé
Des phares de voitures comme sur les cartes à jouer
Éclairaient sur le tapis vert la fin de la partie
Et j’ai claqué dans mes doigts
Comme quand on cherche un taxi...
Oh Monsieur Mecano
trouve-moi une bagnole qui roule vite, vite
Oh Monsieur Mecano
cette vie-la faut que j’la quitte, faut que j’la quitte
Et la grande ville jouait son opéra baroque
Martèlement des pas, brillance des pare-chocs,
Les passages cloutés comme des étoiles tombées dans les rues,
Traçaient la voie lactée aux anges déchus.
Et le flou précis de la houle des parapluies mouillés
Serpentait comme un dragon chinois laqué,
Qui s’enroule, se déroule, magnétique,
Vers les grands parkings, les garages magnifiques,
Puis la grande vitrine s’est avancée vers moi dans la nuit,
Et j’ai claqué dans mes doigts
Comme quand on aperçoit le taxi...
Oh Monsieur Mecano
trouve-moi une bagnole qui roule vite, vite
Oh Monsieur Mecano
cette vie-la faut que j’la quitte, faut que j’la quitte
Oui Monsieur, je vais acheter mais avant je veux voir,
Je veux une belle couleur contre les idées noires,
Ah le grand break, bien sûr j’ai vu votre offre,
Mais qu’est-ce que je ferais d’un si grand coffre,
Ah je sais, c’est agréable, vous avez raison,
Mais une décapotable, c’est plus la saison,
Ah je vais vous dire ce qui ferait mon bonheur,
Un bon moteur et pas de rétroviseur.
Puis je l’ai vue avec sa belle peinture rouge vernie
Et j’ai claqué dans mes doigts
comme quand on monte dans le taxi...
Oh Monsieur Mecano
trouve-moi une bagnole qui roule vite, vite
Oh Monsieur Mecano
cette vie-la faut que j’la quitte, faut que j’la quitte
Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane