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Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane.

La Philoxenia : un pilier de la culture grecque, hier et aujourd’hui

Les quatre saisons - Y. Tsarouchis

Les quatre saisons - Y. Tsarouchis

Mais qu'est-ce que la Philoxenia ?

Le mot philoxenia (φιλοξενία) vient du grec ancien :

  • philos (φίλος) = "ami", "amour"

  • xenos (ξένος) = "étranger", "hôte"

La philoxenia désigne donc l’"amour de l’étranger", l’hospitalité sacrée, valeur fondamentale en Grèce depuis l'Antiquité

Une hospitalité codifiée :

Comme chez les autres civilisations anciennes méditerranéennes, il est vertueux de se montrer hospitalier, mais cette vertu varie selon les origines sociales et les milieux culturels. Les coutumes grecques ont, de ce fait, certaines spécificités par rapport à celles des premiers chrétiens ou des Juifs par exemple. C’est une sorte de «convention sociale », avec des rites et des codes comportementaux bien établis. Il s’agit d’un élément plus grand qu’une simple relation courtoise entre amis ou qu’un repas partagé entre connaissances, il s’agit d’une authentique aide apportée à un ou plusieurs voyageurs, notamment en nourriture et en protection, pendant toute la durée de son séjour à l’intérieur du logis de l’hôte. Chez les Grecs, cette hospitalité méditerranéenne (xenía) se caractérise par une certaine transversalité que l’on retrouve dans plusieurs étapes :

  • Il est d’abord d’usage que l’hôte salue le voyageur qui s’approche ou bien que ce dernier s’avance en demandant l’hospitalité.
  • À la suite d’un premier échange de salutations, l’hôte prend les mains du voyageur et le guide jusqu’à sa maison. Le pacte d’hospitalité est en quelque sorte « ratifié » quand ils sont tous deux à l’intérieur [...] Le visiteur est associé à Zeus, ce qui suppose de toute évidence qu’il faut le respecter.
  • Ensuite, l’hôte a pour devoir de préparer de l’eau pour baigner le visiteur. Dans l’Odyssée (chant X), Circé va même jusqu’à parfumer les compagnons d’Ulysse d’« huiles odorantes ».
  • L’hôte a pour tâche de préparer un copieux repas, gage de respect et d’honneur. Il est donc question, économiquement, de dépenser, et non pas de songer à un éventuel profit ou intérêt. Ce rite est « perverti » dans l’épisode de Circé. 
  • Outre le couvert, l’hôte fournit aussi le gîte la plupart du temps, en général pour une nuit ou deux. Un allongement de cette durée signifie l’installation d’une amitié. Comme en témoigne une fois de plus le séjour d’Ulysse sur l’île d’Æaea.
  • Le cas échéant, le maître de maison doit prendre soin des animaux de son invité. Il lui donne aussi de nouveaux vêtements. Circé procure même aux compagnons d’Ulysse « de superbes manteaux et de riches tuniques ». L’hôte peut aussi donner des provisions.
  • La protection de l’hôte n’a pas lieu seulement dans la maison, car il doit pouvoir sortir de la ville sous bonne escorte quand il s’en va. 
  • C’est seulement quand l’hospitalité est dûment installée que l’on peut demander à l’invité son identité, et s’échanger des histoires après le repas. Le voyageur doit être à son tour hospitalier si l’occasion se présente ; hôte et invité assistent ensemble aux cérémonies religieuses locales, les dieux et les rituels pouvant changer selon les différentes régions du monde grec. 
  • Si l’hospitalité est plusieurs fois répétée, dans le cadre d’une amitié par exemple, hôte et invité s’échangent des cadeaux, souvent de grande valeur, dans la maison ou ultérieurement.

 

Sources :

Adam Elsheimer - Philemon et Baucis

Adam Elsheimer - Philemon et Baucis

Un fondement divin

En effet, l’hospitalité du monde hellénique antique est tout d’abord un pacte entre les deux hôtes, à ne pas violer, afin de ne pas commettre de sacrilège et s’attirer le courroux des dieux. 

Le cycle homérique, texte fondateur de l’hospitalité et du rapport à l’étranger, donne à voir, dans l’épisode du Cyclope, l’exemple par excellence d’une inhospitalité sacrilège.

La péripétie d’Ulysse chez Polyphème constitue en conclusion l’archétype d’une hospitalité corrompue ; mais la responsabilité de cette corruption est partagée entre les deux protagonistes. Étant Personne, Ulysse est celui qui peut incarner tous les dangers. Il est par excellence présage de menace et de péril.

Finalement, Ulysse n’obtient peut-être que le juste châtiment qu’il mérite : à sa gloutonnerie à l’égard de l’inconnu répond la gloutonnerie du Cyclope.

 

Sources : https://hospitam.hypotheses.org/2266

 

Mais que nous conte le mythe de Philémon et Baucis ?

 

Le mythe de Philémon et Baucis (Ovide, Métamorphoses, VIII, 618-724)


Dans ce récit, Zeus et Hermès, déguisés en voyageurs pauvres, frappent aux portes d’un village. Tous les habitants les repoussent, sauf un vieux couple, Philémon et Baucis, qui les accueillent avec générosité malgré leur extrême pauvreté. En récompense, les dieux épargnent leur maison lors d’un déluge punitif et la transforment en temple. Ils exaucent aussi leur vœu : mourir ensemble pour ne pas se séparer, devenant un chêne et un tilleul entrelacés

Peter Paul Rubens, Le Repas de Philémon et Baucis (vers 1620

Peter Paul Rubens, Le Repas de Philémon et Baucis (vers 1620

Pour mes lectrices et lecteurs hellénophones, le mythe de Philémon et Baucis conté par "The Mythologist"

Bien sûr ce mythe a été repris largement à travers les âges dans la peinture :

  • RembrandtAdam Elsheimer, Peter Paul Rubens, A. Déchenaud, Jean-Bernard Restout....

Rembrandt, Philémon et Baucis (1658)

Rembrandt, Philémon et Baucis (1658)

P.P. Rubens - Paysage avec Philemon et Baucis

P.P. Rubens - Paysage avec Philemon et Baucis

Philemon et Baucis - A. Déchenaud

Philemon et Baucis - A. Déchenaud

Philémon et Baucis - Jean-Bernard Restout

Philémon et Baucis - Jean-Bernard Restout

Le texte d'Ovide a inspiré notre Jean de la Fontaine avec cette fable Philémon et Baucis,  Livre XII, fable 22 

De l'autre côté du Channel, Jonathan Swift en a fait un poème humoristique : Baucis and Philemon

 

Gounod en fera un opéra. Quand à l'opéra pour marionnettes de Haydn, seuls des fragments nous sont parvenus.

Et vous, chère lectrice ou lecteur, avez-vous déjà goûté les doux fruits de la philoxénia grecque ?

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