Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane.
12 Octobre 2012
Un beau rayon de soleil apparaît entre les branches du bouleau et nous voici en route pour une petite promenade le long du Morbic et soudain sous ma botte une bogue de châtaigne éclate....et me voici projetée dans les années 70 dans cette photo....
Cette photo argentique est malheureusement beaucoup moins belle que le souvenir de cette journée : en fait cette journée se répétait tous les ans aux vacances de la Toussaint. Grand mère profitait de l'une de nos visites plus fréquentes pendant les vacances pour nous annoncer : "dites à vos parents, demain on va à Tinténiac". Et le lendemain, serrés à six dans la 403, on prenait la route de St Malo de bonne heure. La journée débutait toujours par la même visite au cimetière. On courait, on se bousculait à qui allait trouver le premier des trois enfants la tombe de nos arrière grands parents, mais on ne la trouvait jamais oubliant d'une année à l'autre le nom qu'il fallait chercher : le nom de jeune fille de notre grand mère. Puis ensuite on regardait avec quel soin grand-mère lavait, brossait longuement et rinçait la tombe grise. Grand mère était alors complètement silencieuse et enfermée dans ses souvenirs.
Enfin, c'était le signe du départ : on allait ramasser des châtaignes....Cette année-là, j'étais seule le long d'un champ avec Grand Mère. Elle nous emmenait dans le pays de sa jeunesse : pays, oui, car les souvenirs qu'elle partageait avec nous semblaient venir d'une autre planète... Elle connaissait tous les châtaigniers qui bordaient les champs à l'époque et quand l'on croisait un promeneur qui la reconnaissait, c'était toujours la même blague chaque année "Ah, pas la peine d'aller aux châtaignes aujourd'hui : Marie est déjà passée" et chaque année on avait le même plaisir a lui poser la question "pourquoi il dit cela, grand-mère ?" et, elle, pas dupe mais contente, nous répétait de sa petite voix "parce que je connais tous ces châtaigniers, les bons et les véreux". Et c'était vrai, c'est elle qui nous indiquait qu'il fallait avancer un peu plus loin parce que ces bogues n'allaient donner que des "culs plissés" et des vers. Incrédules, on pressait la bogue sous la botte et effectivement le petit trou sous la châtaigne révélait vite la présence du ver. Alors on avançait et on attendait doucement que comme la bogue s'ouvrant sous notre pied, les souvenirs de grand mère reviennent et que le récit commence.....
Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane