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Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane.

Lettere d'amore - Laurenzo Calogero

La lettre - Mary Cassatt

La lettre - Mary Cassatt

"Médecin de campagne, poète, suicidé. Sèches formules qui suffiraient à donner un profil minimal de Lorenzo Calogero (1910-1961), de celui qui disait avoir « vécu sa profession comme en écrivant des vers ». La vie, le texte, en un seul élan. Presque un demi siècle après Campana, il publie lui aussi à ses frais une unique plaquette, Ma questo… (1955) qu’il tente en vain de faire connaître et diffuser. Quelques autres tentatives suivront, dont l’échec le convaincra de renoncer pour un temps à la poésie. Malgré le soutien de Sinisgalli, qui ira en son nom retirer le prix Villa San Giovanni – seule reconnaissance littéraire reçue de son vivant, pour Come in dittici – ; et quelques signes d’amitié (Betocchi ou Giuseppe Tedeschi), Calogero connut la solitude absolue, à la fois individuelle et socio-historique, de nombred’intellectuels du grand sud de l’Italie, avant le « miracle » des années soixante. Et parfois après. Interné à plusieurs reprises dans la maison de repos de Villa Nuccia – où il devait écrire ses plus intenses poèmes (les Cahiers de Villa Nuccia donnèrent leur titre au recueil édité par R. Lerici, lequel avait programmé trois volumes d’Œuvres poétiques dont seuls deux virent le jour) –, démis d’une charge médicale officielle, cherchant un refuge provisoire auprès de sa mère (décédée en 1956), à l’étroit dans le bourg de Melicuccà, en Calabre, ainsi que Leopardi avait pu l’être à Recanati, mais incapable de s’en affranchir, Lorenzo Calogero n’assista pas à l’espèce de « cas littéraire » que la sortie du premiertome des Œuvres, en 1962, allait déchaîner. On ne manqua pas de le définir un « Rimbaud italien », oubliant au passage qu’il laissait une masse considérable d’inédits, toujours en attente d’éditeur. Le poète s’était donné la mort dans sa maison familiale de Melicuccà, où son corps sans vie fut retrouvé le 25 mars 1961. Près de sa dépouille, ce billet : « Je vous prie de ne pas m’enterrer vivant ». Il parlait, croyons-nous, surtout de son œuvre poétique. D’où cette première publication, certes modeste, mais bilingue (et ornée d’un portrait d’après nature, retrouvé presque miraculeusement par son auteur Giuseppe Stival, peintre calabrais de Paris), aujourd’hui, ici. Comme un souvenir et un salut augural, sous le signe de notre amie Amelia Rosselli (éditée ici même) qui avait tenté sans succès de faire connaître cette poésie en France, dans une langue où nous avons essayé de préserver son « étrangeté familière ». Le choix anthologique, opéré sans une logique préconçue, vise surtout à faire découvrir et peut-être donner envie de lire les multiples facettes d’une œuvre originale dont nous mesurons mal toute l’importance. Pour peut-être, avec le poète, « apprendre ainsi / face à une faible lumière penché / le faible déclin du silence / de la vie » : Dante Alighieri, au retour de son fabuleux voyage, ne nous transmettait pas autre chose."

source : 

Lettere d’amore

Mandai lettere d’amore
ai cieli, ai venti, ai mari,
a tutte le dilagate
forme dell’universo.
Essi mi risposero
in una rugiadosa
lentezza d’amore
per cui riposai
su le arse cime frastagliate loro
come su una selva di vento.

Mi nacque un figlio dell’oceano.

Lorenzo Calogero,
Da Poco suono (1933-1935), Centauro Editore, Milano 1936.



Lettres d’amour

J’envoyai des lettres d’amour
aux cieux, aux vents, aux mers,
à tous les débordements
de l’univers.
Ils me répondirent
en lente
rosée d’amour
voilà pourquoi je les reposai
sur la découpe aride des sommets
comme sur une forêt de vents.

Il me naquit un fils d’océan.

Lorenzo Calogero, extrait de Poco suono (Peu de bruit)
Traduction © Valérie Brantôme, 2015

 

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