Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane.

Jamais nous ne serons frères - НИКОГДА МЫ НЕ БУДЕМ БРАТЬЯМИ! - Anastasia Dmytruk

La guerre d'agression russe en Ukraine entamera sa quatrième année le 24 février. Après des années de bombardements russes incessants et les récentes négociations internationales, dans quelle posture se trouve l’Ukraine ?

La suite est à écouter sur F.I. ici

Jamais nous ne serons frères - НИКОГДА МЫ НЕ БУДЕМ БРАТЬЯМИ! - Anastasia Dmytruk

À l’aide d’une multitude de récits de la vie quotidienne des Ukrainiens, Andreï Kourkov nous donne à voir un peuple résilient qui fait face à la violence de l’envahisseur russe. Souvent avec humour, l’écrivain fait le récit d’une société dont la guerre a révélé les fractures, mais aussi les forces. Son interview sur France Culture est à lire ou écouter ici.

Notre guerre quotidienne est un texte exceptionnel : c’est la suite du Journal d’une invasion, la chronique de l’invasion russe tenue par l’écrivain ukrainien Andreï Kourkov. Entre août 2022 et février 2024, il raconte de l’intérieur le combat des Ukrainiens pour sauver leur pays.

Dix ans après l’annexion de la Crimée, deux ans après l’invasion de l’Ukraine, Kourkov montre les tentatives de la Russie, depuis plusieurs siècles déjà, pour détruire la culture ukrainienne, c’est-à-dire la culture d’un peuple résolument tourné vers l’Europe.

Qu’il parle du stress extrême des habitants face aux raids aériens, de la déportation des citoyens des régions occupées, de la corruption éhontée de certains membres du gouvernement ukrainien, du rôle de Zelensky, des crowdfundings pour soutenir l’armée ou des festivités de Halloween, Kourkov nous donne à voir le quotidien d’un peuple en guerre. Un quotidien parfois absurde, marqué par la résistance, la solidarité et une détermination sans faille.

Écrit sur un ton tour à tour mordant, tragique ou humoristique, toujours sincère, Notre guerre quotidienne nous permet de mieux comprendre les enjeux du conflit – mais aussi la manière dont il est vécu, au jour le jour, par la population.

Andréï Kourkov

Andréï Kourkov

Un extrait de "guerre quotidienne" expliquant comment les russes utilisent la poésie...

Personnellement, ce qui m’étonne le plus dans les obscures pratiques de ces camps, c’est le recours à la poésie pour torturer ou punir. Au début, on disait que les civils et prisonniers de guerre ukrainiens étaient contraints d’apprendre l’hymne national russe, une version légèrement modifiée de l’hymne soviétique. Mais de récents témoignages rapportent que certains Ukrainiens sont contraints de mémoriser un poème intitulé « Pardonnez-nous, frères russes ». Je supposais qu’il avait été écrit par un poète russe « au nom » des Ukrainiens, mais son autrice est bel et bien ukrainienne : c’est une poétesse prorusse de Poltava, Iryna Samarina. Elle l’a écrit en 2014, en réponse au poème plus connu « Jamais nous ne serons frères », de la poétesse ukrainienne et alors russo-
phone Anastassia Dmytrouk. Le poème d’Anastassia, adressé aux Russes, se termine sur ces mots : « Vous avez votre tsar, nous la démocratie / Jamais nous ne serons frères. » Bien qu’il soit aujourd’hui largement oublié, en 2014, ce poème avait été adapté en une chanson qui devint très populaire. Anastassia Dmytrouk écrit toujours, mais surtout en ukrainien désormais. Elle contribue aussi à l’organisation de manifestations à travers le monde contre la guerre russe en Ukraine.

Le poème de Samarina proclame : « Mais pas d’Ukraine sans Russie / Pas de serrure sans clé […] Mon amour pour la Russie, ils n’en viendront pas à bout… / Tant que nous sommes ensemble, Dieu est avec nous ! » Les médias et plate-formes en ligne russes se sont efforcés de doper la popularité de Samarina en Russie, en la présentant comme un exemple de « l’Ukraine saine ». Mais cette stratégie ne semble pas avoir fonctionné, peut-être du fait de la médiocrité de ses poèmes. Du moins l’un d’entre eux restera-t-il gravé dans la mémoire des Ukrainiens ayant été captifs des Russes

A. Dmytruk

A. Dmytruk

Никогда мы не будем братьями!
Ни по родине, ни по матери.
Духа нет у вас быть свободными —
нам не стать с вами даже сводными.

Вы себя окрестили «старшими» —
нам бы младшими, да не вашими.
Вас так много, а, жаль, безликие.
Вы огромные, мы — великие.

А вы жмете… вы всё маетесь,
своей завистью вы подавитесь.
Воля — слово вам незнакомое,
вы все с детства в цепи закованы.

У вас дома «молчанье — золото»,
а у нас жгут коктейли Молотова,
да, у нас в сердце кровь горячая,
что ж вы нам за «родня» незрячая?

А у нас всех глаза бесстрашные,
без оружия мы опасные.
Повзрослели и стали смелыми
все у снайперов под прицелами.

Нас каты на колени ставили —
мы восстали и всё исправили.
И зря прячутся крысы, молятся —
они кровью своей умоются.

Вам шлют новые указания —
а у нас тут огни восстания.
У вас Царь, у нас — Демократия.
Никогда мы не будем братьями.

Le poème d'A. Dmytrouk

Nous ne serons jamais frères !
Ni par la patrie, ni par la mère.
Vous n’avez pas l’âme d’hommes libres —
Nous ne serons même pas parents éloignés.

Vous vous êtes proclamés « aînés » —
Nous serions cadets, mais sûrement pas des vôtres.
Vous êtes nombreux, hélas, sans visage.
Vous êtes immenses, nous — nous sommes grands.

Mais vous serrez les poings… vous vous tourmentez,
Vous vous étoufferez de votre propre jalousie.
La liberté est un mot qui vous est inconnu,
Vous êtes enchaînés depuis l’enfance.

Chez vous, le silence est d’or,
Chez nous, on brûle des cocktails Molotov.
Oui, notre sang est bouillant dans nos cœurs,
Que nous êtes-vous, aveugles « parents » ?

Nos yeux brillent d’un courage sans peur,
Désarmés, nous sommes redoutables.
Nous avons grandi et sommes devenus braves,
Tous dans la ligne de mire des snipers.

Les bourreaux nous ont mis à genoux —
Nous nous sommes levés et avons tout changé.
Et en vain les rats se cachent et prient —
Ils se noieront dans leur propre sang.

À vous, on envoie de nouveaux ordres —
Chez nous, les flammes de la révolte s’élèvent.
Vous avez un Tsar, nous avons la Démocratie.
Jamais nous ne serons frères.

 

(Essai de traduction, soyez indulgents)

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
À propos
une-vie-de-setter

Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane

Commenter cet article