Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane.
23 Février 2020
Lectures en italien, ce mois-ci. La faute, mais pas que, à un blog littéraire en italien.... Toujours plus de pistes de lecture pour compléter les sections "giallo" des blogs dédiés à la littérature policière. Vais-je avoir encore envie de lire dans une autre langue ?
“Niente caffè per Spinoza” d'Alice Cappagli. Second livre pour cette autrice, diplômée en philosophie, qui a joué du violoncelle pendant plus de 30 ans au sein de l'orchestre de la Scala.
C'est l'histoire d'un vieux professeur de philosophie, devenu aveugle, qui embauche pour l'aider dans sa vie quotidienne une auxiliaire de vie, qui outre les tâches ménagères, doit être capable de lui lire les textes qu'il souhaite ré-entendre. La jeune femme Marie-Victoire accepte ce travail et comprend que le Professeur, connaissant de mémoire l'ensemble des textes philosophiques des auteurs peuplant sa bibliothèque, souhaite surtout lui montrer comment les grands textes s'appliquent à la vie de tous les jours. C'est bien sûr un livre d'apprentissage, car la relation entre les deux personnages va aider chacun d'entre eux à affronter les prochaines (et dernières, pour le professeur) étapes de leur chemin de vie respectif. Le vieux professeur se détache de la vie en offrant à ses proches les livres qui l'ont entouré toute sa vie et la jeune femme stimulée par la rencontre avec le professeur se décidera à prendre sa vie en mains.
Les autres personnages du livre, famille et amis du professeur, posent une autre question : comment accompagner une personne en fin de vie. Un livre qui fait du bien tout en poussant à réfléchir à notre rapport aux autres, à la vie tout simplement. (Pas de traduction disponible pour le moment).
Un autre "giallo" avec cette première enquête du commissaire Ricciardi, l'un des personnages créés par Maurizio de Giovanni. traduit en français sous le titre de 'l'hiver du commissaire Ricciardi". Un commissaire qui enquête dans les années 30 à Naples, sous le fascisme, et qui a la particularité, et la malédiction, de pourvoir visualiser les dernières pensées des morts bien longtemps après leur trépas. Si cette caractéristique ne l’aide jamais à trouver les coupables, elle renforce son empathie pour les victimes.
A noter une exception à ce qui semble la règle dans la littérature italienne giallo, le commissaire Ricciardi n'est pas du tout intéressé par la gastronomie italienne.
"Une des grandes forces des romans de la série est de décrire le fascisme sans discours, sans dramatisation, vu par des personnages qui se désintéressent (presque) totalement de la politique, mais qui, peu à peu, vont être confrontés sans le chercher à sa brutalité, sa violence arbitraire, sa bêtise crasse. ... Sans dénonciation, sans plaidoyer, la charge n’en est que plus efficace et plus terrible. Maurizio De Giovanni frappe au cœur autant qu’à la tête, sans jamais faire dans le larmoyant, sans effets putassiers, en s’adressant à l’humanité du lecteur. Du grand art. »
Jean-Marc Laherrère, Actu du noir.
Si vous avez des notions d'italien, je vous invite à en écouter la critique par "il circolo dei Libri"
Je continue toujours à lire les aventures du commissaire Montalbano. J'ai terminé "l'odore della notte" dont l'intrigue tourne autour d'une histoire de cavalerie financière. Il me reste encore 20 tomes à lire ! et autant de recettes culinaires siciliennes à découvrir !
Pour en revenir à Naples, j'ai entamé la lecture, avec beaucoup de plaisir de Montedidio d'Erri di Luca.
Erri de Luca est né en 1950 à Naples. Ecrivain, traducteur, poète, il est l’auteur de nombreux romans dont « Montedidio », qui a obtenu en 2002 le prix Femina étranger et le Prix européen de littérature. Alpiniste émérite, il est aussi marqué par la lutte politique. Né dans une famille bourgeoise napolitaine ruinée par la guerre, il s’est en effet déclaré communiste dès l’âge de 16 ans et, après avoir quitté le domicile familial, il adhère en 1969 au mouvement d'extrême gauche Lotta Continua dont il est devenu l'un des dirigeants, responsable notamment de son service d'ordre. Lotta continua a été dissoute à l’été 77 mais cela n’a pas entamé chez lui le besoin de se mobiliser et de désobéir, comme il l’a fait en s’engageant aux côtés de ceux qui aident les migrants, ou contre la ligne de train à grande vitesse Lyon-Turin, qui lui a valu un procès pour incitation au sabotage dont il a été relaxé en octobre 2015. Dans « J'accepte volontiers une condamnation pénale, mais pas une réduction de vocabulaire » , publié en 2015 il disait que l'écrivain, s'il a un pouvoir, c'est celui de parler pour ceux qui ne sont pas entendus.
C’est à Montedidio, un quartier populaire des hauteurs de Naples que vit le jeune héros de cette histoire.
A 13 ans, il travaille pour Mast’Errico, un menuisier, et, surtout, écrit sur un rouleau de papier qu’un imprimeur lui a donné. Il écrit son quartier, les gens qu’il côtoie. Son père, ouvrier sur les docks qui ressemble de plus en plus à un fantôme tandis qu’il accompagne corps et âme sa femme qui se meurt à l’hôpital, Errico le menuisier, l’amoureuse Maria, la jeune fille à qui le propriétaire vicieux a volé son innocence contre des remises de loyer, et surtout Rafaniello, survivant d’une Europe qui ne protégea pas ses juifs. Rafaniello, le cordonnier bossu, roux aux yeux verts qui fait des miracles avec les vieilles godasses, qui fait « la charité aux pieds des pauvres » : « A Naples on marche maintenant chaussés« .
Ce livre qui raconte en chapitres courts la vie de ces petites gens, avec humanité et plein de poésie m'a littéralement happée. Et j'ai d'autant plus de plaisir à le découvrir, que je peux désormais le lire dans sa langue d'origine. (Un grand merci à l'animateur de notre atelier d'italien à l'UTL).
Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane