Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane.
27 Juin 2021
Poésie toujours, avec une présentation par Michel Volkovitch de la poétesse Zoé Karèlli.
Issue d'une grande famille salonicienne, sœur de l'écrivain Nìkos-Gavriil Pendzìkis, Zoé Karèlli (1901-1998) a fait des débuts tardifs en 1940 et publié douze recueils avant de se taire dès 1973. Ses poèmes, partagés entre le besoin et la peur de l'autre, l'élan de la sensualité et l'inquiétude religieuse, sont le journal intime d'une âme, un long questionnement, où les vivants semblent parfois moins vivants que les morts. Elle a publié cinq pièces de théâtre et plusieurs livres d'essais, dont un sur Claudel et un autre sur Beckett — ce qui définit bien l'espace occupé par cette poésie traditionnelle et moderne à la fois, ou plutôt hors du temps.
"Αρρώστια" της Ζωής Καρέλλη
Όλο τους πεθαμένους σκέφτομαι αυτές τις μέρες.
Πλούσια από θάνατο η μνήμη μου
τους φέρνει εμπρός μου ζωντανούς.
Μιλούνε ορισμένα απ’ τα λόγια τους:
«Ένα πουκάμισο χρώμα σαν το καΐσι».
«Να σε φιλήσω, γιατί πέθανα».
«Ζητούσα να σας δω και ήρθα».
Πρόσωπα, λόγια πολλά, που τα κρατώ
σαν ξένα, θέλω δικά μου να τα κάνω
και δεν μπορώ, γιατί δεν εννοώ
το θάνατο, αρνιέμαι να τον καταλάβω.
Όμως ούτε και τη ζωή, έτσι,
μπορώ ν’ αγγίζω, όπως θέλω
να την κρατήσω, που βλέπω τις κινήσεις
των ζωντανών, σα να ‘ναι μες στη μνήμη μου
κι αυτές και δεν μπορώ να τις αγγίξω
ζωντανές. Τις χαίρομαι συχνά,
τις αγαπώ, τις βλέπω εκστατικά,
κι άξαφνα γίνονται σαν από πεθαμένους.
Ζωή Καρέλλη, «Η εποχή του θανάτου» (1948)
Ces jours-ci je ne pense qu'aux défunts.
Riche de mort ma mémoire
les amène devant moi vivants.
Ils parlent un peu parfois :
— «une chemise couleur abricot».
«Je veux t'embrasser, car je suis mort».
«Je suis venu pour vous voir».
Tant de visages, de paroles, que je conserve
comme étrangers, que je veux faire miens
mais en vain : je ne conçois pas
la mort, je refuse
de la comprendre.
Mais la vie non plus
je ne peux ainsi la toucher, telle que je veux
la conserver, moi qui vois les gestes
des vivants comme s'ils étaient dans ma mémoire
eux aussi, sans pouvoir les toucher
vivants. Souvent ils me réjouissent,
je les aime, les regarde en extase,
et soudain on dirait ceux des morts.
Zoe Karèlli (1901-1998), recueil "La saison de la mort" (1948)
Traduction : Michel Volkovitch
Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane