Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane.
11 Juin 2024
La poésie a été écrite par Pere Quart en 1947, alors qu'il se trouvait en exil à Santiago du Chili, où il était arrivé grâce à l'aide de Pablo Neruda ; elle a d'abord été publiée dans le magazine en langue catalane Germanor ("Fraternité"), publié à Santiago, puis dans le recueil Saló de tardor ("Salon d'automne"), dont elle représente le début du IV chapitre.
C'est une poésie dédiée aux exilés républicains ayant fui en 1939 après la défaite lors de la guerre d'Espagne, et donc également dédiée à lui-même, étant donné que Pere Quart était l'un de ces exilés après avoir milité activement dans le camp républicain.
Una nit de lluna plena
tramuntàrem la carena,
lentament, sense dir res...
Si la lluna feia el ple
també el féu la nostra pena.
L'estimada m'acompanya
de pell bruna, l'aire greu,
com una Mare de Déu
que han trobat a la muntanya.
Perquè ens perdoni la guerra,
que l'ensagna, que l'esguerra.
Abans de passar la ratlla,
m'ajec i beso la terra
i l'acarono amb l'espatlla.
A Catalunya deixí
el dia de ma partida
mitja vida condormida;
l'altra meitat vingué amb mi
per no deixar-me sense vida.
Avui en terres de França
i demà més lluny potser,
no em moriré d'enyorança
ans d'enyorança viuré.
En ma terra del Vallès
tres turons fan una serra,
quatre pins un bosc espès,
cinc quarters massa terra,
com el Vallés no hi ha res.
Que els pins cenyeixin la cala,
l'ermita dalt del pujol;
i a la platja un tenderol
que batega com una ala.
Una esperança desfeta,
una recança infinita,
i una pàtria tan petita
que la somio completa.
CHANSON D'EXIL
Une nuit de lune pleine
nous traversions la crête
lentement, sans rien dire
Si la lune se faisait pleine
notre peine l’était aussi.
La bien aimée m’accompagne
à la peau brune et l’air grave
(comme une mère de Dieu) (1)
qu’ils ont trouvée dans la montagne.
Pour que nous pardonne la guerre
qui l’ensanglante, qui la mutile
Avant de passer la ligne
je m’agenouille et embrasse la terre
et je la caresse avec l’épaule
En Catalogne j’ai laissé
le jour de mon départ
une moitié de vie endormie,
l’autre moitié est venu e avec moi
pour ne pas me laisser sans vie.
Aujourd’hui en terre de France
et demain peut-être plus loin
je ne mourrai pas de nostalgie
Je vivrai plutôt de nostalgie.
Dans ma terre du Vallès (2)
trois collines font une chaine de montagnes
quatre pins un bois épais
cinq quarterons plus de terre
“Comme le Vallès il n’y a rien”
Que les pins entourent la calanque
l’ermite en haut de la colline
et sur la plage un store
qui bat comme une aile.
Un espoir défait,
un regret infini.
et une patrie si petite
que je la rêve complète.
(1) “una mare de Deu”, c’est à dire : une Statue de Ste Vierge
(2) Région au Nord/Nord-Est de Barcelone, entre Barcelone et le Massif del Montseny, plus à l’est, se trouve el Vallès Occidental
Sources : Antiwarsongs.org
Une autre version interprétée par Silvia Perez Cruz et Rocio Molina
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