Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane.
20 Décembre 2024
Tout d'abord une présentation extraite du site du traducteur Michel Volkovitch
Le rébète, ou màngas, est un marginal qui méprise le bourgeois, ne se marie pas, ne travaille pas, fume du haschisch et écoute sa musique à lui : les chansons dites rebètika. Il a hanté les bas-fonds des villes grecques depuis la fin du siècle dernier jusqu'au milieu du nôtre. Les rébètes ne sont plus qu'un souvenir ; quant aux rebètika, apparus vers 1920, longtemps fustigés par les intellectuels et les bien-pensants de tous bords, ils ont connu tardivement, dans les années 50, un succès foudroyant qui les a tués. L'art ne couche pas dans les lits qu'on lui ouvre ; les rebètika, ces vagabonds, ces voyous, ne pouvaient vivre que sans lit. Ils sont morts d'être enfin respectés, après moins de quarante ans d'existence, au moment où la Grèce entière découvrait enfin ce trésor.
Rien, peut-être, n'a mieux exprimé que ces humbles chansons — comme les tangos argentins, les blues des noirs américains — le fond de l'âme d'un peuple entier.
Les rebètika ont pour sujet la misère, le vin, la drogue, la prison, l'exil, la mort, et surtout l'amour. L'amour malheureux, bien sûr. Ils sont, le plus souvent, tout poisseux de douleur et d'amertume. Les émotions y sont d'autant plus fortes que portées par une langue vive, brutale, tantôt bourrée d'argot, tantôt d'une terrible nudité. Ces chants accompagnés, à l'époque héroïque, par les seuls instruments de la famille du bouzoùki, étaient dansés par un homme (dans le cas du fascinant zeïbèkiko à neuf temps) ou deux hommes (sur les rythmes binaires du hassàpiko).
Γράμμα θα στείλω στο Θεό
με λόγια πικραμένα,
θα του ζητήσω να σκεφτεί
λιγάκι και για μένα.
Γράμμα θα στείλω στο Θεό
με λόγια πικραμένα.
Ας λένε πως δε χάνει
κανέναν ο Θεός
μ’ αδίκησε ο κόσμος
με ξέχασε κι Αυτός.
Μ’ αδίκησε ο κόσμος
με ξέχασε κι Αυτός,
ας λένε πως δε χάνει
κανέναν ο Θεός.
Θα του μιλήσω όμορφα
ντόμπρα παλικαρίσια,
όταν μοιράζει τον παρά
να τον μοιράζει ίσια
θα του μιλήσω όμορφα
ντόμπρα παλικαρίσια.
Ας λένε πως δε χάνει
κανέναν ο Θεός
μ’ αδίκησε ο κόσμος
με ξέχασε κι Αυτός.
Γράμμα θα στείλω στο Θεό
και να με συγχωρήσει
δεν πρέπει στο παράπονο
κι εμένα να μ’ αφήσει.
Γράμμα θα στείλω στο Θεό
και να με συγχωρήσει
Ας λένε πως δε χάνει
κανέναν ο Θεός
μ’ αδίκησε ο κόσμος
με ξέχασε κι Αυτός.
LETTRE À DIEU
Je m'en vais écrire à Dieu une bafouille écœurée,
pour lui dire qu'il pourrait un peu des fois se montrer.
Y en a qui disent que Dieu pour les hommes se fatigue,
moi, le monde m'a bien trahi, et Dieu se fiche de mézigue.
Je lui ferai des beaux discours, pleins de sagesse, de courage ;
les sous qu'il a, je voudrais que tout le monde se les partage.
Je m'en vais écrire à Dieu, en lui demandant pardon,
qu'il me laisse pas tomber comme ça quand j'ai le bourdon.
Traduction de Michel Volkovitch
(Bakàlis / Goùveris, 1950)
Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane