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Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane.

De Cavafy à Cohen : Απολείπειν ο θεός Aντώνιον - Antoine abandonné des dieux -

De Cavafy à Cohen : Απολείπειν ο θεός Aντώνιον - Antoine abandonné des dieux -

Selon Plutarque, la veille de la grande attaque d’Octavien, des sons d’instruments mélodieux et un grand vacarme de danseurs poussant des cris bacchiques se firent soudain entendre dans la nuit. C’était comme si une troupe bruyante quittait la ville, et le tumulte cessa dès qu’elle franchit les portes. Cet événement impressionna profondément les habitants, qui y virent un signe : le dieu protecteur d’Antoine, Dionysos, l’abandonnait.

Le poème Antoine abandonné des dieux de Constantin Cavafy met en avant l’importance de préserver sa dignité face à la perte. Cavafy dépeint Antoine au moment où il entend cette troupe invisible s’éloigner de la ville et prend conscience que son dieu protecteur l’a abandonné. Cet instant crucial, où Antoine réalise que sa défaite est inévitable et que tout ce qu’il a acquis ainsi que tous ses projets pour l’avenir touchent à leur fin, revêt une signification particulière : c’est précisément à ce moment-là qu’il doit se respecter lui-même et ne pas céder à la lâcheté. S’il se mettait à supplier pour sa vie et à pleurer, comme le ferait un homme faible, il perdrait non seulement ses possessions et ses titres, mais aussi quelque chose de bien plus essentiel : sa dignité.

Source :

Απολείπειν ο θεός Aντώνιον
 

Σαν έξαφνα, ώρα μεσάνυχτ’, ακουσθεί
αόρατος θίασος να περνά
με μουσικές εξαίσιες, με φωνές—
την τύχη σου που ενδίδει πια, τα έργα σου
που απέτυχαν, τα σχέδια της ζωής σου
που βγήκαν όλα πλάνες, μη ανωφέλετα θρηνήσεις.
Σαν έτοιμος από καιρό, σα θαρραλέος,
αποχαιρέτα την, την Aλεξάνδρεια που φεύγει.
Προ πάντων να μη γελασθείς, μην πεις πως ήταν
ένα όνειρο, πως απατήθηκεν η ακοή σου·
μάταιες ελπίδες τέτοιες μην καταδεχθείς.
Σαν έτοιμος από καιρό, σα θαρραλέος,
σαν που ταιριάζει σε που αξιώθηκες μια τέτοια πόλι,
πλησίασε σταθερά προς το παράθυρο,
κι άκουσε με συγκίνησιν, αλλ’ όχι
με των δειλών τα παρακάλια και παράπονα,
ως τελευταία απόλαυσι τους ήχους,
τα εξαίσια όργανα του μυστικού θιάσου,
κι αποχαιρέτα την, την Aλεξάνδρεια που χάνεις.

 

Antoine abandonné des dieux

Quand vers minuit, soudain,
tu entendras
passer un cortège invisible
avec de merveilleuses musiques
et des éclats de voix,
ne te lamente pas en vain sur
la Fortune qui chancelle,
sur tes œuvres qui ont échoué,
sur les entreprises de ta vie
qui, toutes, se sont avérées
illusoires.
En homme prêt de longue date,
en homme de cœur,
salue-la, cette Alexandrie
qui s’éloigne.
Surtout, ne te leurre pas, ne dis pas
que ce n’était qu’un rêve, que ton
oreille t’a trompé ;
dédaigne ces futiles espoirs.
En homme prêt de longue date,
en homme de cœur,
comme tu te dois de l’être,
toi qui méritas pareille ville,
approche-toi d’un pas ferme
de la fenêtre
et écoute avec émotion,
mais non pas
avec les plaintes et les
supplications des lâches,
comme une ultime jouissance,
la rumeur,
les ravissants accords du mystique
cortège
et salue-la, cette Alexandrie que tu
perds.

Traduction de Pierre Leyris et Gilles Ortlieb

Ci-après "Antoine abandonné des dieux", de Constantin Cavafis lu par Guillaume Gallienne dans une traduction de Dominique Grandmont

Grâce à une mention dans l'article que Nicolas Pitsos consace à l’œuvre et l’univers du poète grec alexandrin Constantin Cavafy (1863-1933) dans le carreau de Bulac, j'ai découvert un lien entre Cavafy et Léonard Cohen...Je l'ai suivi, bien entendu.

Léonard Cohen s'est inspiré du poème de Cavafy pour composer sa chanson : Alexandra leaving

 

Suddenly the night has grown colder
The god of love preparing to depart
Alexandra hoisted on his shoulder
They slip between the sentries of the heart

Upheld by the simplicities of pleasure
They gain the light, they formlessly entwine;
And radiant beyond your widest measure
They fall among the voices and the wine

It’s not a trick, your senses all deceiving
A fitful dream, the morning will exhaust –
Say goodbye to Alexandra leaving
Then say goodbye to Alexandra lost

Even though she sleeps upon your satin;
Even though she wakes you with a kiss
Do not say the moment was imagined;
Do not stoop to strategies like this

As someone long prepared for this to happen
Go firmly to the window. Drink it in
Exquisite music. Alexandra laughing
Your first commitments tangible again

And you who had the honor of her evening
And by that honor had your own restored –
Say goodbye to Alexandra leaving;
Alexandra leaving with her lord

Even though she sleeps upon your satin;
Even though she wakes you with a kiss
Do not say the moment was imagined;
Do not stoop to strategies like this

As someone long prepared for the occasion;
In full command of every plan you wrecked –
Do not choose a coward’s explanation
That hides behind the cause and the effect

And you who were bewildered by a meaning;
Whose code was broken, crucifix uncrossed –
Say goodbye to Alexandra leaving
Then say goodbye to Alexandra lost

Say goodbye to Alexandra leaving
Then say goodbye to Alexandra lost

Une dernière suggestion de lien à suivre ? : "Alexandra leaving" sur le randonneur pensif pour une très fine analyse de cette chanson et du poème de Cavafy qui l'a inspirée.

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une-vie-de-setter

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A
Merci pour ce doux article !
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U
Trop gentil !