Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane.
25 Juin 2025
Rien ne fit davantage pour la renommée de Frédéric Chopin parmi la haute société que les Nocturnes (et les Valses)… bien qu’il ne fut pas le créateur du genre, Il n’en demeure pas moins que Chopin, dans ses 21 Nocturnes composés en l’espace de vingt ans entre 1827 et 1846 (en incluant les pièces de jeunesse publiées de manière posthume), donna au genre ses véritables lettres de noblesse en même temps qu’il le porta à son ultime degré d’achèvement : aucun nocturne composé après Chopin ne surpassera ceux du Polonais.
Généreusement orné en longues coulée lyriques, le bel canto cher à notre musicien grand admirateur de Bellini s’y épanche avec prodigalité. A charge pour le pianiste de ne pas tomber dans la mièvrerie en maintenant ce délicat équilibre entre le classicisme de la ligne et le romantisme de l’expression, avec à l’esprit la consigne du maître : « Que votre main gauche soit votre maître de chapelle ; elle est comme une montre. Quant à la droite, faites-en ce que vous voulez et ce que vous pouvez ». Plus tard, Chopin y ajouta une explicite métaphore : « La main droite peut s’écarter de la mesure, mais la main d’accompagnement doit rigoureusement la tenir. Imaginons un arbre avec ses branches agitées par le vent : le tronc est la mesure inflexible, les feuilles qui se meuvent sont les inflexions mélodiques.
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Composés en 1835, ces deux Nocturnes, respectivement en ut dièse mineur et en ré bémol majeur, qu’un éditeur anglais crut judicieux de parer d’un titre aguicheur, « Les Plaintives » !, comptent assurément parmi les plus beaux, et gagnent encore à être entendus l’un avec l’autre tant ils expriment « deux aspects opposés, et complémentaires, de la nuit romantique : la noirceur du premier, tendu de velours funèbre, et allant du gémissement au cri de révolte, n’a d’égale que la clarté stellaire du second, merveilleux chant d’amour au bord de la lagune. » Emergeant des ténèbres, et animé d’une fièvre intérieure qui ne s’effacera qu’à sa conclusion en ut dièse majeur, le premier dégage une force peu commune qui culmine dans son épisode central, avec, en son milieu, l’apparition inattendue d’un thème de polonaise. Le second, lui, fait allégeance à la barcarolle, et n’a pas besoin d’une section centrale pour asseoir son pouvoir. « D’une exemplaire sérénité, ce n’est qu’un chant continu, triomphe certes du bel canto et de l’ornementation, mais aussi de l’harmonie chopinienne, qui dispense ici ses plus inimitables prestiges.
Sources : Sacre Guy, La Musique de piano, Robert Laffont, Paris 1998, p. 685.
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