Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane.
18 Septembre 2025
Une poésie grecque ce matin !
Christòphoros Liondàkis (1945–2019) appartient à la génération de poètes apparus dans les années 70 — la dernière en Grèce à être née dans un monde encore tout imprégné des mœurs et modes de pensée traditionnels. Parmi ces poètes, il est l’un de ceux qui habitent le plus intensément leur enfance. Il a aimé toute sa vie avec passion la nature — son « premier refuge », « un aimant qui m’attirait et que je suivais fasciné » — ainsi que sa ville natale d’Héraklion, capitale de la Crète, carrefour entre Occident, Afrique et Asie, « ville palimpseste » où l’on retrouve sous le présent tous les étages du passé ; « une ville qui nourrit le mythe, elle-même nourrie par lui ».
Sa voix est un mélange de clair et d’obscur. Tout ici est moins dit que suggéré, avec une fulgurante concision, comme chez Mallarmé, ou Bonnefoy, ou le dernier Sefèris, le plus troublant, celui des Trois poèmes secrets. Liondàkis est de ceux pour qui la vérité ne peut être saisie de face, en pleine lumière, mais par coups d’œil obliques, dans une suite d’éclairs et d’éclats.
Μετανάστης
Δίχως γλώσσα, μόνο τα χέρια και τα μάτια
στο άσυλο του πλήθους το πρόσωπό του ανθεί.
Στην πλαστική σακούλα ένα λευκό μπλουζάκι
λερωμένο, τα αθλητικά πλυμένα και περπατά
με της φιλανθρωπίας τα παλιομοδίτικα.
Κάτι χαρτιά μάλλον σε τίποτα δε χρησιμεύουν.
Με ένα κομμάτι πίτα κερασμένη, χαμογελά.
Το νάιλον στα χέρια του δεν τρίζει, στα γόνατά του
το γυαλιστερό γίνεται λαμπερό –ένα ταμείο γαλήνης.
Η πολιτική γεωγραφία με ρωγμές
κι η διαλεκτική τρεκλίζει.
Από τη συλλογή Με το φως,
εκδόσεις Καστανιώτη, Αθήνα, 1999
Immigré
Sans langue, rien que les mains, les yeux
dans l'asile de la foule son visage fleurit.
Dans le sac en plastique un maillot de corps blanc
taché, les affaires de sport propres et il marche, portant
les vêtements démodés de la philanthropie.
Quelques papiers sans doute inutiles.
Un bout de sandwich offert, et il sourit.
Le nylon ne crisse pas dans ses mains, à ses genoux
le luisant resplendit – réserve de sérénité.
La géographie politique lézardée
la dialectique trébuche.
In Avec la Lumière, 1999
Traduction de Michel Volkovitch
in Anthologie de la poésie grecque
contemporaine, Gallimard, 2000
Si vous avez aimé cette poésie, n'hésitez pas à aller butiner au "Miel des Anges", pour y découvrir la quasi-intégrale de l'oeuvre poétique de Christophoros Liondàkis, traduite par Michel Volkovitch.
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