Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane.
26 Septembre 2022
Encore des nouvelles de mon Tsundoku. Je vous avais parlé ici de ma rencontre avec une auteure qui enchante mes jours et mes nuits depuis que je l'ai découverte.
Gaelle Josse a entamé sa carrière littéraire en écrivant de la poésie ; sans doute ses pages en garderont toujours l'empreinte...
Ainsi ce paragraphe de "Ce matin-là" lu et relu tant il résonnait en moi...
"Elle se voit ingurgiter du sécable, du dispersible, du soluble, du buvable, du croquable, de l'avalable, quantité de molécules qui vont murmurer au cerveau que tout va bien. Elle n'est pas certaine d'avoir souhaité cette réponse-là. Mais il faut bien calmer ces palpitations, ces insomnies, cette pince qui broie l'estomac, cette gorge nouée et tout ce qu'elle n'a pas voulu voir, pas voulu entendre depuis des semaines, depuis des mois. Elle aimerait dire qu'elle ne veut pas de tous ces comprimés, de ces gélules, de ces cachets, de toute cette chimie anesthésiante qui va ralentir son corps et son cerveau, mais elle n'est pas en état de protester"
Après avoir achevé cette lecture, je sais désormais que l'armure que j'ai construite, peu à peu, depuis mon burn-out, est solide !
Ce n'est sans doute pas le meilleur roman sur le sujet, (car la reconstruction post-burn-out est une étape beaucoup plus longue et douloureuse, comme je l'avais déjà écrit ici et là ) mais le style si fluide, l'élégance de l'écriture, la sensibilité du regard de Gaëlle Josse m'ont emportée, une fois encore.
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J'ai enchaîné avec la lecture de "L'ombre de nos nuits" de Gaëlle Josse, un roman mêlant les voix du peintre Georges de la Tour et de son apprenti alors qu'ils créent "San Sébastien soigné par Irène", et les résonnances et émotions que cette toile éveille chez une femme, au musée, de nos jours.
Les trois voix s'entremêlent au fil du récit ; Tandis que la visiteuse du musée revit son histoire, décortique les étapes de la passion amoureuse qui l’a tenue presque prisonnière et remonte jusqu’aux failles de son enfance, le lecteur se voit proposer un voyage parallèle au cœur de la genèse du fameux tableau.
Mon avis : Ma passion pour l'histoire de l'art a été comblée avec cet opus !
Un extrait ? :
"Le temps nous pousse vers notre vie, il nous faut nous réinventer, oublier pour pouvoir continuer. La capacité d'oublier est peut être le cadeau le plus précieux que les dieux ont fait aux hommes. C'est l'oubli qui nous sauve, sans quoi la vie n'est pas supportable. Nous avons besoin d'être légers et oublieux, d'avancer en pensant que le meilleur est toujours à venir. comment accepter sinon de vivre, sidérés, transis, douloureux, percés de flèches comme cet homme qu'une femme aimante tente de soigner".
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En parallèle, j'ai lu "Une longue impatience" de Gaëlle Josse.
Résumé :
Ce soir-là, Louis, seize ans, n’est pas rentré à la maison. Anne, sa mère, dans ce village de Bretagne, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, voit sa vie dévorée par l’attente, par l’absence qui questionne la vie du couple et redessine celle de toute la famille.
Chaque jour, aux bords de la folie, aux limites de la douleur, Anne attend le bateau qui lui ramènera son fils. Pour survivre, elle lui écrit la fête insensée qu’elle offrira pour son retour.
Quelques notes prises au vol :
" C'est le temps des mots secrets, ceux qui permettent de dénouer la journée, de la reposer dans ses plis avant de la laisser s'enfuir, se dissoudre, c'est le temps d'apprivoiser la nuit, c'est le temps des mots sans lesquels le sommeil ne viendrait pas"
" Je me fabrique toute une collection de bonheurs dans lesquels je puise pour me consoler, comme un herbier de moments heureux."
"J'ai explosé et les mots, jusque là tenus en bride, à grand peine lui ont sauté au visage. Ils le griffent, l'entaillent. Je voulais qu'il ait mal. C'était un trop plein qui éclatait, qui se déversait, une morsure, un orage".
"Je m'invente des ancres pour rester amarrée à la vie, pour ne pas être emportée par le vent mauvais, je m'invente des poids pour tenir au sol et ne pas m'envoler, pour ne pas fondre, me dissoudre, me perdre. Toutes ces choses ténues, dérisoires, je m'y accroche...
Mon avis : La forme -roman épistolaire- le style, le décor-la Bretagne- les thèmes universels évoqués m'ont enchantée.
Ephéméride éclectique d'une librocubiculariste glossophile et mélomane